Hakim de Diniz Galhos
Les éditions Asphalte publient ce mois-ci un auteur plus connu, pour l’instant en tout cas, comme traducteur que comme écrivain. Pour ceux qui ont lu, comme moi, ses traductions, ça sera le seul point noir de ce roman mais j’y reviendrai plus loin.
L’idée de départ de ce roman m’a intriguée et interpelée. Hakim, français d’origine maghrébine, après avoir déposé femme et enfants à l’aéroport, reprend le RER pour retourner chez lui. Un sac à dos semble avoir été oublié dans la rame et Hakim, atteint d’un violent accès de paranoïa, se persuade qu’il s’agit d’un colis piégé et qu’on va forcément l’accuser, lui, l’arabe barbu et qu’il doit absolument s’enfuir.
Jlui dis quoi, moi, à ce type. Xcusez-moi monsieur, mais jcrois qu’ya un colis suspect dvant moi, jvous conseille d’aller à l’autre bout du wagon si jamais ça, boum, voyez ? Huhuhu clin d’œil sourire. Mais il va mprendre pour un terroriste le mec.
Putain.
Hakim tourne légèrement la tête quand un rayon de soleil embrase son visage sur la vitre fumée d’une portière. Il voit sa barbe épaisse et noire. Ses cheveux rasés, presque à blanc. Ses yeux noirs et ses sourcils fournis. Son front brillant de sueur. Les plis prononcés de part et d’autre de son nez. Ses pommettes hautes. Sa gueule de métèque. Ses avant-bras nus recouverts de poils drus et sombres. Il baisse les yeux et contemple ses vieilles baskets sales. Le pantalon du survêtement qui en position assise, lui arrive presque à mi-mollets. Jpeux pas lui dire ça comme ça, au type derrière. Merde, jpeux même pas avertir le conducteur. Même si c’est un Algérien ou un Tunisien, il aura direct des doutes. Putain, moi-même j’aurais en face de moi un mec avec une barbe et un pantalon pareils, je mméfierais. J’appellrais les flics. Putain jfais quoi putain jfais quoi.
Oui, le thème est bien celui du « délit de faciès » mais vu de l’intérieur.
Hakim raconte ce qu’il a vécu, toujours, le racisme bien sûr mais surtout tous ces stéréotypes, ces clichés qu’on vous tatoue sur le visage. Il raconte comment un nom, un prénom, une couleur de peau un peu trop mate, vous condamne à louper des entretiens, à être celui qui a volé, à être celui qui est forcément contrôlé et soupçonné en premier.
L’auteur nous balance en pleine face toutes nos idées préconçues, nos amalgames, nos jugements, nos peurs aussi.
C’est un roman sur une paranoïa certes, mais qui s’explique par les actes et mots dont sont souvent victime ceux qu’on considère comme étrangers alors qu’ils sont nés et ont grandi en France.
L’auteur nous amène avec force à nous poser les bonnes questions, à y réfléchir, et, espérons-le, à se remettre en question.
C’est un très bon roman et j’ai beaucoup aimé.
Sauf que j’ai eu dès le départ une étrange et gênante impression concernant le style.
C’est une écriture à laquelle il faut un petit temps d’adaptation car ça se veut comme Hakim pense, un langage plus « parlé » que littéraire. Là n’est pas du tout le problème, au contraire, ça donne une originalité au style. D’ailleurs, certains ont plébiscité cette originalité du style. Sauf pour celles et ceux qui ont lu les traductions que l’auteur a faites des romans d’Irvin Welsh… Diniz Galhos, et c’est un réel reproche, reprend exactement le même style si bien que les personnages de Renton, Begbie, Sick Boy et Spud ont eu tendance à se superposer à celui de Hakim dans mon esprit. Alors je me pose la question : l’auteur a-t-il « pompé » sur le style d’Irvin Welsh ou le traducteur a-t-il appliqué son propre style à ses traductions en faisant purement et simplement disparaitre celui du texte original ? Je me pose la question…
Un autre extrait :
Et même chez ceux qui sont sincères, même chez ceux qui sont pas forcément religieux, ni antimétèques, combien y’en a qui ont les fesses qui claquent dès qu’on est un peu trop pratiquant ? Par exemple là, si jvous dis que j’ai plus jamais rbu dl’alcool dpuis mes vingt-cinq ans, ça va, vous msentez bien intégré ? Et si jvous dis qu’en plus jbédave pas, ça vous fait tiquer ? Aussi peu dvices, c’est suspect ? Si jvous dis que jmange pas dcochon, pas dsoucis, pas vrai ? Mais si jvous dis que mes enfants non plus, et qu’en plus j’achète du hallal, i spasse quoi ? I spasse quoi dans votre tête si jvous dis qu’je prie ? Une fois lvendredi, j’imagine que ça va pour vous : c’est folklo juste c’qu’i faut, c’est comme la messe du dimanche, c’est acceptable. Mais si c’est à la mosquée, ça va toujours ? Et si c’est les cinq prières par jour ? Est-ce que ça fait une différence si mon fils est circoncis ou pas alors qu’sa mère est pas musulmane ? Et si je vous dis qu’elle s’est convertie pour notre mariage ? Et si jvous dis que j’ai rien contre le port du voile, ça fait dmoi un bon ou un mauvais citoyen ? Et si jvous dis qu’je claque pas la bise à des inconnues, que jleur serre pas la main non plus, ça fait dmoi un dangereux musulman ?
4ème de couverture :
À l’aéroport de Roissy, Hakim dit au revoir à sa femme et à leurs deux enfants. Tandis qu’ils partent en vacances, lui reste travailler à son grand projet : sa BD, qu’il doit terminer. Mais la découverte d’un bagage abandonné dans le RER du retour va contrecarrer ses plans. Oui, bien sûr, il y a très peu de risques que ce sac contienne une bombe… Et pourtant… Et si ça n’arrivait pas qu’aux autres ?
Une seconde suffit à Hakim pour se rendre compte qu’avec sa couleur de peau, son jogging trop court et sa grosse barbe, il a tout le profil du coupable idéal. La seule solution ? La fuite, effrénée…
L’auteur :
Diniz Galhos, né en 1978, est traducteur et auteur. Connu pour avoir traduit les romans d’Irvine Welsh, de John King, mais aussi les aventures de Bourbon Kid, entamées avec Le Livre sans nom, il a aussi traduit du portugais (Brésil) les polars d’Edyr Augusto pour Asphalte (Prix Caméléon de la traduction). Gokan, son premier roman (Cherche-Midi 2012, Pocket 2015), du noir mâtiné de pulp, se passe à Tokyo. Il a remporté le Prix du premier roman du Rotary Club en 2013. Il vit à Paris.
Editeur : Asphalte Editions (octobre 2020)
ISBN : 9782365331005
À l'aéroport de Roissy, Hakim dit au revoir à sa femme et à leurs deux enfants. Tandis qu'ils partent en vacances, lui reste travailler à son grand projet : sa BD, qu'il doit terminer. Mais la découverte d'un bagage abandonné dans le RER du retour va contrecarrer ses plans.
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