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EVADEZ-MOI
3 septembre 2020

Tupinilândia de Samir Machado de Machado

611gA1e-PoL

 

Traduit du portugais (Brésil) par Hubert Tézenas.

 

Samir Machado de Machado est né en 1981 à Porto Alegre, Brésil. Ce n’est donc peut-être pas un hasard si Tupinilândia commence à Porto Alegre, en 1981.

Ça m’arrive encore de temps en temps, c’est la couverture qui m’a irrésistiblement attirée ainsi que, pauvre de moi j’aurais presque honte, le bandeau fort alléchant.

La 4ème de couverture a fini de me convaincre et elle est très largement en dessous du contenu du roman.

Ce superbe livre de plus de 500 pages est une mine d’enseignements, un divertissement de haut niveau, un conte, une métaphore, un manuel d’histoire.

Cette histoire se découpe en fait en trois parties toutes aussi travaillées, différentes, intéressantes, prenantes les unes que les autres.

La première nous parle de Joao Amadeus, héritier d’un empire du BTP brésilien, très riche et fan de Walt Disney. Il est interviewé par Tiago, jeune journaliste, sur la construction en cours d’un immense parc d’attraction au cœur de la forêt amazonienne et fortement inspiré par les parcs Disney et les films avec Indiana Jones. Joao raconte son pays, la dictature menée par l’armée, le passé nazi du pays. Il décrit aussi la misère et les rêves d’enfants qu’il a gardés. L’auteur revient ainsi sans fard sur l’Histoire du Brésil du XXème siècle, sans rancœur ni colère mais plus dans l’acceptation ou l’aveu. Il nous décrit une paranoïa issue de la guerre froide envers le communisme, vu alors comme un danger et qui doit être combattu avec force. Pour ceux, comme moi, qui ne connaissent ni le pays, ni son histoire, c’est réellement très intéressant même si on aura tendance à penser que l’histoire, soit n’est pas terminée, soit se répète avec le gouvernement en place aujourd’hui. Cette première partie nous mène jusqu’au jour prévu de l’inauguration du parc Tupinilandia où on s’émerveille devant les attractions, les enclos à thèmes, les automates, les comédiens et la visite de la grande tour de contrôle truffée des technologies les plus modernes dans les années 80. Nous aussi, comme dès qu’on passe l’arche de l’entrée de DisneyLand, on redevient des gamins.

La deuxième partie change radicalement d’ambiance puisque lors de cette inauguration, les invités et leurs familles, ainsi que tous les employés, sont attaquées par une faction armée d’extrême droite et séquestrés dans le parc au prétexte qu’ils sont tous communistes. Or, c’est bien une débauche capitaliste que représente ce parc où tout fonctionne à l’aide de billets à l’effigie du parc et dont on doit faire le change à l’arrivée. Produits dérivés, gadgets, peluches, figurines, nourriture, casquettes et autres articles textiles, tout est fait pour que les futurs visiteurs achètent et le plus possible. Est-ce une manière de dire que ces factions d’extrême droite sont formées d’idiots ? oui, on peut dire que l’auteur en profite un peu (beaucoup) pour se moquer de ces militaires qui ont plus de muscles que de neurones. Mais l’intérêt aussi de cette deuxième partie c’est qu’elle est quand même bourrée d’action et d’effets spéciaux (littéraires). Le bandeau ne ment pas, on est en plein dans un Jurassic Parc à la mode Disney avec des enfants audacieux et futés, et des adultes parfois un peu patauds qui les suivent. Ça mitraille et ça castagne jusqu’à la toute fin de cette deuxième partie.

Vous ferez ensuite un bond de trente ans pour vous retrouver au présent avec un archéologue, Arthur, qui a entendu parler d’un parc d’attraction abandonné en plein milieu de la forêt amazonienne. Il rencontre alors Beto et Helena, les enfants de Joao, décédé depuis, ainsi que de Tiago. Tous trois lui racontent ce qu’il s’est passé trente ans auparavant et Arthur décide de partir en excursion pour visiter et faire une reconstruction virtuelle du parc avec deux de ses étudiants, dont sa fille Lara. Arrivés là-bas, ils vont avoir la surprise de découvrir une vraie colonie qui a vécu enfermée pendant ces trois décennies dans le parc. Persuadés qu’au dehors tout a sombré dans le chaos du communisme, idée entretenue par le groupe qui dirige telle une mini dictature en autarcie complète, à coup de messages via des haut-parleurs et des écrans télé, où tout est contrôlé depuis le centre informatique du parc, où il n’y a plus aucune loi hormis celles édictée par le Général Kruel, chef suprême du camp. Là encore, le bandeau ne nous trompe pas et Orwell est partout présent dans cette dernière partie qui tendra à démontrer également qu’un régime dictatorial ne peut pas fonctionner et combien, aussi, il est facile de manipuler les esprits à l’aide de médias truqués.

Je pourrais parler des heures sur ce livre que j’ai trouvé hors normes et en dehors de tout code, impossible à classifier : politique, aventure, grand spectacle, il est tout ça et bien plus encore.

 

Un extrait :

Une large ouverture, laissant passer une route à double voie pour les entrées et les sorties des véhicules, faisait office de portail. Elle était surplombée par une immense statue de béton, colorée, joyeuse et souriante d’Arthur Arara qui, à mi-chemin entre le Christ rédempteur et l’aigle emblématique de l’école de samba de Portela, accueillait tout le monde à bras ouverts, les ailes un peu en avant comme s’il se préparait à donner l’accolade, au-dessus du fronton qui disait en lettres géantes :

BIENVENUE A TUPINILÂNDIA

Au moment où il passait dessous, Tiago jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour regarder non pas les autres voitures, mais la piste en terre en train de disparaître derrière lui. N’était-ce pas le but de tout ça, finalement ? Fuir, s’évader. Il comprenait maintenant l’état d’agitation infantile dans lequel semblait vivre le vieux Flynguer, il comprenait maintenant sa croyance quasi religieuse en la nécessité de catharsis collectives et ses espoirs de manipuler les émotions du public comme un chef d’orchestre face à ses musiciens.

A Tupinilândia, rien n’irait jamais de travers, car cet endroit avait été conçu pour être ainsi, pour étouffer sous l’euphorie de la samba, sous les saveurs de ses fruits et sous la rapidité de ses rythmes cette tristesse du Brésil si subtile et si bien cachée, née du sentiment d’échec produit par le mirage du progrès, du pays du futur, un futur constamment en vue mais qui n’en finissait pas de fuir, quelle que soit la vitesse à laquelle on lui courait après. A Tupinilândia, la réalité grise de l’inflation et de la déforestation incontrôlée, de la dette extérieure et des généraux antipathiques, des oligarques brutaux et des célébrités vulgaires serait effacée par une autre, bariolée comme un décor de BD, où tout fonctionnerait toujours parfaitement, où tout le monde serait en permanence joyeux et enthousiaste, comme dans ces émissions pour enfants où chacun repart avec son cadeau. Tiago sourit en arrivant à la conclusion que, finalement, c’est une idée géniale : si Tupinilândia n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer.

Et c’est ce qu’avait fait Joao Amadeus Flynguer.

 

4ème de couverture :

Tupinilândia se trouve en Amazonie, loin de tout. C’est un parc d’attractions construit dans le plus grand secret par un industriel admirateur de Walt Disney pour célébrer le Brésil et le retour de la démocratie à la fin des années 1980.

Le jour de l’inauguration, un groupe armé boucle le parc et prend 400 personnes en otages. Silence radio et télévision.

Trente ans plus tard, un archéologue qui ne cesse de répéter à ses étudiants qu’ils ne vont jamais devenir Indiana Jones revient sur ces lieux, avant qu’ils ne soient recouverts par le bassin d’un barrage. Il découvre à son arrivée une situation impensable : la création d’une colonie fasciste orwellienne au milieu des attractions du parc dévorées par la nature.

À la tête d’une troupe de jeunes gens ignorant tout du monde extérieur qu’ils croient dominé par le communisme, il va s’attaquer aux représentants d’une idéologie qu’il pensait disparue avec une habileté tirée de son addiction aux blockbusters des années 1980.

 

L’auteur :

Samir Machado de Machado est né à Porto Alegre, Brésil, en 1981. Ecrivain, scénariste, graphiste et traducteur de Conan Doyle, Tupinilândia est son premier roman traduit en français.

 

Editeur : Anne-Marie Métailié (septembre 2020)

Collection : Bibliothèque brésilienne

ISBN : 9791022610582

 

 

Tupinilândia

Samir MACHADO DE MACHADO Situé au cœur de l'Amazonie, un fabuleux roman entre Orwell et Jurassic Park, un blockbuster d'aventures et une réflexion sur la nostalgie, la mémoire et le nationalisme. Tupinilândia se trouve en Amazonie, loin de tout.

https://editions-metailie.com



 

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