Betty de Tiffany McDaniel
Traduit de l’anglais par François Happe.
Betty… comment parler de ce roman ? Les qualificatifs sont difficiles à trouver pour ne pas entrer dans le dithyrambe.
Si vous cherchez un roman « feel-good », passez votre chemin, les boîtes de mouchoirs sont de rigueur pour cette lecture très éprouvante émotionnellement.
Betty est née dans les années 50 et raconte son enfance et son adolescence mais surtout sa famille.
Métisse Cherokee, Betty souffre dès son plus jeune âge du rejet des autres enfants, comme des adultes, à cause de sa peau brune et de ses cheveux noirs dont elle a hérité de son père. Landon, son père, en a encore plus souffert. Il était très compliqué d’être un indien dans la société américaine du siècle dernier (bien que rien ne semble avoir beaucoup évolué depuis). Les descendants de ces tribus chassées de leurs terres n’avaient droit qu’aux plus durs des emplois. Exploités, mal traités, ces hommes étaient considérés comme des animaux.
A cela s’ajoutera la mère de Betty, femme blanche hantée par son passé, qui va perdre une bonne partie de ses enfants dans leur plus jeune âge ou plus tard.
Nous découvrons au travers de Betty, Leland, le frère ainé ; Fraya, la grande sœur ; Flossie, la suivante, jolie petite fille qui tient du côté de sa mère. Mais aussi Trusty, le petit garçon artiste ; Lint, le petit dernier, qui souffre d’un retard mais qui voue un amour sans limite à Betty.
Au fil des années, les malheurs s’enchaînent comme si toute la famille Carpenter était maudite.
C’est un texte d’une portée dramatique incroyable.
C’est aussi un roman porté par un personnage féminin hors du commun, Betty.
Féministe, ce roman traite aussi de toutes les violences faites aux femmes : maltraitance, coups, viols, inceste d’une manière bouleversante. Peut-être parce que c’est une fillette qui raconte, je ne sais pas.
Malgré tout, un homme, Landon, campe un personnage comme on en trouve peu. C’est bien l’amour de Betty pour son père, son admiration pour lui, l’amour que Landon voue à tous ces enfants qui apportent un surplus de tragédie à ce texte.
Vous ne pleurerez pas une seule fois en lisant ces pages, vous pleurerez cinq, dix fois.
Certains experts disent que Betty est un futur grand classique de la littérature américaine. Pour ma part, j’en suis persuadée.
C’est époustouflant, magnifique, marquant. C’est Betty.
Un extrait :
Devenir femme, c’est affronter le couteau. C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillière dans la cuisine tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve. Ces vérités peuvent s’affronter à l’infini. Et qu’est-ce que l’infini, sinon un serment confus ? Un cercle brisé. Une portion de ciel fuchsia. Si l’on redescend sur terre, l’infini prend la forme d’une succession de collines ondoyantes. Un coin de campagne dans l’Ohio où tous les serpents dans les hautes herbes de la prairie savent comment les anges perdent leurs ailes. Je me souviens de l’amour incandescent et de la dévotion autant que de la violence. Quand je ferme les yeux, je revois le trèfle vert-jaune qui poussait autour de notre grange au printemps, tandis que les chiens sauvages venaient à bout de notre patience et de notre tendresse. Les temps changent pour ne jamais revenir, alors nous donnons au temps un autre nom, un nom plus beau, pour qu’il nous soit plus facile d’en supporter le poids, à mesure qu’il passe et que nous continuons à nous rappeler d’où nous venons. En ce qui me concerne, je viens d’une famille de huit enfants. Nombre d’entre eux sont morts dans leur première jeunesse. Il y a des gens qui ont reproché à Dieu de ne pas en avoir pris davantage. D’autres ont accusé le diable d’en avoir laissé encore trop en vie. Pris entre Dieu et le diable, l’arbre de notre famille a grandi avec des racines pourries, des branches brisées et des feuilles rongées par les champignons.
4ème de couverture :
La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture: elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler.
L’auteure :
Tiffany McDaniel vit dans l’Ohio, où elle est née. Son écriture se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu’elle connaît. Elle est également poète et plasticienne. Son premier roman, L’Été où tout a fondu, est à paraître aux Éditions Gallmeister.
D'emblée vous ferez connaissance avec Betty puis très vite tout deviendra incontrôlable tant la tristesse et la beauté immense de son histoire vous marquera à jamais. Née d'un père Cherokee et d'une mère blanche, l'obsédante Betty, malgré les difficultés et les souffrances, ne s'avouera jamais vaincue. Inoubliable !
https://www.gallmeister.fr
Editeur : Gallmeister (Aout 2020)
Collection : Americana
ISBN : 9782351782453