Atmore, Alabama d'Alexandre Civico
Un roman français chez Actes Sud est assez rare, c’est en partie ce qui a attiré mon attention surtout dans la collection Actes Noirs.
Le moins que l’on puisse dire d’Atmore, Alabama, c’est que c’est noir sans pour autant en faire beaucoup. Dans ce court roman, tout est question d’atmosphère et de sentiments.
Ce français, débarqué dans un trou perdu américain, Atmore, tourne autour de la prison à la sortie de la ville, serinant les informations d’incarcération d’un prisonnier dans le couloir de la mort.
Quelques bribes, tout au long du texte, vont permettre au lecteur de comprendre, peu à peu, l’état d’esprit de cet homme. Et, si dès le départ, on ressent le fait qu’il n’a plus rien à perdre, qu’il n’a rien laissé derrière lui en France, qu’il n’attend rien non plus, on découvre un personnage qui restera mystérieux.
Tout tourne autour de cet homme, de Eve, une jeune toxico d’origine mexicaine qui va faire ce bout de chemin avec lui et de cette ville perdue, comme un huis-clos entre lui, les quelques habitants de cette Amérique qu’on découvre davantage dans la littérature que sur les cartes postales. Un pays rural sorti de ses mégalopoles, un pays où les gens survivent en essayant de faire perdurer des traditions parfois surannées, un pays gorgé d’alcool, de drogues et d’armes en libre circulation. Un pays où il est si facile de se procurer tout ce qui est illicite ailleurs et où la violence semble être le remède à tous les maux.
Concernant le style, il faut dire que la tendance est à la surenchère d’auteurs. Comme le disent si bien magazines, dessinateurs, il y aura bientôt plus d’auteurs que de lecteurs. Le plus étonnants c’est de voir des blogueurs se prendre pour des auteurs, des éditeurs écrire des romans, etc… La plupart se fourvoient en croyant que le métier d’écrivain s’improvise et parce qu’ils sont « populaires » sur un groupe Facebook.
Alexandre Civico fait partie du collectif de la maison d’édition Inculte. Mais pour autant, il s’en sort plutôt très bien avec ce roman. Usant de phrases courtes qui éclatent comme des détonations parfois, ajoutant à l’impression que le personnage principal n’a pas de temps à perdre, Alexandre Civico livre ici un roman noir court mais incisif qui se concentre sur l’essentiel.
Un extrait :
Elle parle de nous, cette chanson, de ma famille, du putain de Rio Grande. Mes parents l’ont traversée, cette foutue rivière. Ma mère était enceinte de moi. Ils sont venus parce qu’ils croyaient un peu au spectacle du rêve américain. Aujourd’hui, c’est le spectacle du spectacle, mais mes parents n’ont jamais vraiment voulu l’admettre. En Amérique, tu regardes des licornes sur un écran, accroché à une chaise électrique. Tout est faux, tout le temps. On nous appelle les wetbacks, les dos mouillés. Mais je n’ai jamais compris ce que ce terme a de honteux. Leur transpiration, c’était la sève de leur courage. Ils ont tout quitté.
4ème de couverture :
Lorsqu'il atterrit en Floride, il sait exactement où sa voiture de location doit le mener : Atmore, bourgade paumée au fin fond de l'Alabama. Il s'installe chez l'habitant, instaure un semblant de routine et rencontre une jeune Mexicaine désespérée. Un lien naît entre lui, l'étranger que l'on devine ravagé par la douleur, et cette fille à la dérive, noyée dans la drogue. Que vient chercher ce Français au royaume des rednecks, de l'ennui et des armes à feu ? Rien ne paraît l'intéresser sinon la prison, à l'écart de la ville, autour de laquelle il ne peut s'empêcher d'aller rôder... Porté par une écriture affûtée à la poésie sèche, parfois tendre, ce roman de la chute, noir, dense, invoque dans un même surgissement le décor d'une Amérique qui s'est perdue et le saccage intérieur d'un homme qui ne sait plus comment vivre.
L’auteur :
Après des études à l’Inalco, il rejoint le monde de l’édition en tant qu’agent littéraire puis il lance la collection Naïve Sessions aux éditions Naïve.
Depuis 2009, il a en charge, avec Jérôme Schmidt, la direction éditoriale des éditions Inculte.
Il est l'auteur de "La terre sous les ongles" et "La peau, l'écorce". Atmore, Alabama est son troisième roman.
Lorsqu'il atterrit en Floride, il sait exactement où sa voiture de location doit le mener : Atmore, bourgade paumée au fi n fond de l'Alabama. Il s'installe chez l'habitant, instaure un semblant de routine et rencontre une jeune Mexicaine désespérée.
https://www.actes-sud.fr
Editeur : Actes Sud (septembre 2019)
Collection : Actes noirs
ISBN : 978-2330125493