Un nouveau roman de Franck Bouysse, on ne doit pas passer à côté.

En 2017 j’avais été subjuguée par Glaise  où l’auteur nous mettait en présence de Joseph, de Valette, Léonard, Hélène et Anna. Un texte et une histoire magnifiques.

Cette année Franck Bouysse nous dévoile le journal de Rose.

Encore une fois, il est difficile de trouver des mots justes pour rendre honneur à ce roman.

Un curé est appelé pour donner les derniers sacrements à une femme décédée dans un hôpital psychiatrique. Une femme, venue à confesse, lui demande de récupérer deux cahiers cachés sous la robe de la défunte. Le curé va ensuite les lire et nous les laisser lire. Rose raconte son histoire.

Nous sommes, vraisemblablement, au début du siècle dernier ou peut-être à la fin du 19^ème. Rose a quatorze ans quand son père, qui a encore trois autres filles plus jeunes à nourrir, vend Rose à un propriétaire de Forges pour lui servir de bonne à tout faire, en échange d’un peu d’argent.

Ce que le père de Rose ne sait pas, c’est que Charles, le forgeron, et sa mère, ont d’autres projets pour Rose.

Le cœur, dérisoire métaphore d’un sentiment diffus, empêché, parce que, quelque interprétation que l’on en fasse, le cœur n’est pas d’or, il sert à peu de choses, pour ne pas dire à rien. Le cœur, dans le meilleur des cas, il parade les jours de fête, le temps du premier baiser ; mais après, la disette s’étend, épouse, s’incruste sur les flancs malingres du destin, et il n’y a plus que le sang qui parle et se déverse. Un sang noir.

Franck Bouysse nous offre là une histoire magnifique, tragique, très sombre mais sublimée par une écriture qu’il maîtrise avec brio.

Tout est beau dans ce roman.

Hormis l’histoire, ce talent d’écrivain permet de décrire des scènes, qui pourraient être très éprouvantes pour tout lecteur, avec un style si travaillé, un vocabulaire si bien choisi, qu’elles se déroulent dans une telle beauté du texte, qu’on en oublie les images qu’elles évoquent.

Et que dire du personnage de Rose ? Qui peut rester de marbre face à cette enfant qui endure sans broncher et qui malgré tout garde en elle autant d’amour ?

Peut-être qu’il m’a même pas entendue avant de mourir, qu’il est mort sans entendre sa fille crier qu’elle allait le sauver, sans m’entendre pleurer en lui disant que je lui pardonnais. Je pensais plus à lui comme à celui qui m’avait vendue, celui qui était responsable de ce qui venait de se passer. Je pensais être la seule coupable, que tout était écrit depuis le jour de ma naissance. Si j’étais pas née, rien ne lui serait arrivé, il vivrait encore, et pas moi, vu que j’aurais jamais goûté à cette satanée vie. Je pensais pas à ma mère, ni à mes sœurs. Je pensais juste à mon père et à moi, à lui mort, à moi vivante, à ce qui aurait dû être, à ce qui était pas, à ce qui pouvait pas changer, mais que je pouvais pas m’empêcher d’imaginer autrement qu’en le changeant dans ma tête en fourrant des bulles d’air dans sa gorge pour le faire revenir.

C’est un roman dont on ne peut que louer la qualité et dont il ne faut rien dévoiler de plus. C’est un de ces textes, tout comme Glaise, voués à devenir des classiques, de la littérature dans ce qu’elle a de mieux, de ce style parmi les plus aboutis de tous ceux qu’on peut lire ces dernières années.

Enfin, ce roman s’adresse à tous, que vous soyez adeptes des belles phrases, d’action, d’histoires tragiques mais aussi d’histoires d’amour.

Lire Franck Bouysse, c’est tomber amoureuse de sa plume et de ses histoires.

4^ème de couverture :

"Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d'une femme à l'asile. - Et alors, qu'y a-t-il d'extraordinaire à cela ? demandai-je. - Sous sa robe, c'est là que je les ai cachés. - De quoi parlez-vous ? - Les cahiers... Ceux de Rose." Ainsi sortent de l'ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, nous offre avec Né d'aucune femme la plus vibrante de ses œuvres. Avec ce roman sensible et poignant, il confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l'âme humaine.

L’auteur :

Franck Bouysse, né en 1965 à Brive-la-Gaillarde, a été enseignant en biologie et se lance dans l’écriture en 2004. Grossir le ciel en 2014, puis Plateau en 2016 rencontrent un large succès, remportent de nombreux prix littéraires et imposent Franck Bouysse sur la scène littéraire française. Il partage aujourd’hui sa vie entre Limoges et un hameau en Corrèze.

Né d'aucune femme

Franck BOUYSSE " Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d'une femme à l'asile. - Et alors, qu'y-a-t-il d'extraordinaire à cela ? demandai-je. - Sous sa robe, c'est là que je les ai cachés. - De quoi parlez-vous ? - Les cahiers... Ceux de Rose."

https://www.lamanufacturedelivres.com

Editeur : La Manufacture de Livres (janvier 2019)

ISBN : 978-2358872713