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EVADEZ-MOI
5 février 2020

Donbass de Benoît Vitkine

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Voici, pour moi, le meilleur polars français de ce début d’année et, encore une fois, c’est un premier roman.

Benoît Vitkine est journaliste, correspondant pour un grand journal à Moscou et a couvert la guerre dans l’Est de l’Ukraine.

Il nous livre un polar parfait, tant au niveau du fond que de l’intrigue policière ou encore de la forme.

Concernant l’intrigue, des enfants sont retrouvés assassinés et leurs corps mis en scène. Henrik est flic au Donbass, tiraillé entre deux camps, au milieu d’une guerre fratricide. Totalement désabusé, désespéré de voir ce qu’est devenu son pays, il va devoir faire des va et vient sur cette ligne de front afin de résoudre ces enquêtes. C’est très bien mené et la fin a été, pour moi, totalement inattendue, ce qui est très rare.

Si l’intrigue et prenante, le décor de l’histoire est passionnant. On sait très peu de chose sur la guerre en Ukraine mis à part quelques bribes dans les journaux télévisés (que je ne regarde plus). Comme pour quasiment toutes ces « ex » républiques soviétiques, l’éclatement du bloc Russe s’est fait dans la douleur, les larmes et le sang. L’Ukraine n’a pas réchappé à ces guerres fratricides entre pro-russes et ceux qui préfèrent regarder vers l’Ouest et tous ses « possibles ».

Benoît Vitkine expose ici cette guerre vue de l’intérieur avec ses incohérences, ses hésitations, ses doutes, ses peurs et ses espoirs. On découvre une région, ligne de front, au paysage apocalyptique, où on a l’impression qu’il ne reste plus des femmes, agées pour la plupart, ou veuves et ayant perdu un enfant dans cette guerre et des mômes, souvent laissés par leurs mères aux bons soins d’une grand-mère. Avec en fond sonore les bombes et les tirs de mitraillettes, on découvre la vie de ceux qui tentent de survivre à défaut de pouvoir vivre.

On fait également la connaissance de ces soldats ou anciens soldats qui sont allés combattre en Afghanistan sous la bannière russe pour une guerre qu’ils savaient ne pas être la-leur et sont revenus brisés et loin d’être accueillis en héros. Désabusés, sans plus d’espoir, la seule solution qu’il leur reste est de choisir un camp et de continuer à se battre anesthésiés par l’alcool et la drogue.

On pourrait s’attendre à une écriture froide et factuelle, digne d’un journaliste. On découvre en fait une vraie plume de romancier, un style qui s’affirme dès le début du roman.

Encore un fois, c’est là un très bon polar qui s’avère enrichissant. Une magnifique découverte de ce début d’année.

 

 

Un extrait :

Elle avait abandonné toute ambition d’apprendre quelque chose, mais l’impatience joyeuse avec laquelle les vieilles attendaient sa visite ne suffisait pas à l’apaiser. Ces vieilles femmes qui trompaient la mort en croquant de grosses parts de tarte avec leurs dernières dents accentuaient sa peine. Malgré leur enthousiasme un peu enfantin, malgré leur obstination à préserver dans la guerre l’illusion d’une vie normale. Elles étaient des survivantes. Le quartier était rempli de ces veuves impassibles. Le pays pouvait bien s’étriper, elles continueraient à fabriquer des confitures et à mariner des champignons. Leurs maris s’étaient agités toute leur vie, puis leurs cœurs avaient lâché, fatigués de tant donner à des corps trop massifs, à des vies trop brutales. Elles, elles restaient. Elles vivaient quinze ans, vingt ans de plus que leurs hommes. Et pendant vingt ans, elles enfilaient chaque jour les mêmes chaussons, les mêmes robes de chambre. Elles accomplissaient consciencieusement la routine de leurs petites vies. Elles y déployaient même une force surprenante. Peu leur importait de vivre en Union soviétique, en Russie, en Ukraine, elles avaient tout connu et tout était égal. Seul importait que leurs petits-enfants ne voient pas les horreurs qu’elles avaient vues. La Guerre, la vraie. Les purges de Staline. Elles se plaignaient pour la forme, mais elles savaient qu’elles n’avaient rien le droit de réclamer. Rien de plus qu’une part de bonne parte et, pour les plus chanceuses, le baiser d’un petit-fils sur leurs joues duveteuses. Ou à défaut un petit verre de cherry… Le Donbass était rempli de ces veuves.

 

4ème de couverture :

Sur la ligne de front du Donbass, la guerre s’est installée depuis quatre ans et plus grand monde ne se souvient comment elle a commencé. L’héroïsme et les grands principes ont depuis longtemps cédé la place à la routine du conflit.

Mais quand des enfants sont assassinés sauvagement, même le colonel Henrik Kavadze, l’impassible chef de la police locale, perd son flegme.

 

L’auteur :

Benoît Vitkine est le correspondant du Monde à Moscou. Journaliste depuis quinze ans, il a notamment couvert la guerre des l’est de l’Ukraine. Donbass est son premier roman.

 

 

Donbass - les arènes

Sur la ligne de front du Donbass, la guerre s'est installée depuis quatre ans et plus grand monde ne se souvient comment elle a commencé. L'héroïsme et les grands principes ont depuis longtemps cédé la place à la routine du conflit.

http://www.arenes.fr



 

Editeur : Les Arènes (février 2020)

Collection : EquinoX

ISBN : 979-1037500595

 

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