Farallon Islands - Abby Geni - Actes Sud
Bonjour,
« Chaque fois que nous nous souvenons de quelque chose, nous le transformons. Ainsi fonctionne notre cerveau. J’envisage mes souvenirs comme les pièces d’une maison. Je ne peux pas m’empêcher de les modifier quand j’entre à l’intérieur – je laisse des traces de boue par terre, je bouscule un peu les meubles, crée des tourbillons de poussière. Avec le temps, ces petites altérations s’additionnent.
Les photos accélèrent ce délitement. Mon travail est l’ennemi de la mémoire. Les gens s’imaginent souvent que prendre des photos les aidera à se souvenir précisément de ce qui est arrivé. En fait, c’est le contraire. […]
Se souvenir c’est réécrire. Photographier, c’est substituer. »
Je ne sais pas vous mais j’ai un gros défaut, quand je ne sais pas quoi lire, je vais fouiller dans le fond des maisons d’édition que j’affectionne.
Et donc, en me baladant dans le catalogue Actes Sud, je me suis arrêtée sur le premier roman d’Abby Geni, Farallon Islands.
C’est Miranda qui prend la parole sous la forme d’une longue missive adressée à sa mère, morte depuis une vingtaine d’années. Un décès qui a profondément marqué Miranda au point qu’elle n’a jamais cessé d’envoyer des lettres à sa mère défunte. Afin de fuir une réalité, Miranda part vers un archipel inhospitalier, peuplé de cormorans, de requins blancs, de baleines et d’éléphants de mer. Elle y rejoint six scientifiques ayant chacun sa spécialité. Miranda, elle, est photographe. Elle s’est rendue aux quatre coins du monde pour figer sur pellicules paysages et animaux sauvages. Mais les iles Farallon sont dangereuses et parfois mortelles. C’est ce qu’elle va découvrir pendant cette année passée là-bas.
Roman sur la nature sauvage, sur des espèces qui vivent dans ce milieu où l’homme n’a pas sa place, c’est aussi un roman profondément noir, un texte sur la résilience, sur le déni, sur l’oubli, de soi, de la réalité.
Le texte, comme les personnages, est magnifique. On ressent autant la violence des âmes que celle de cette nature. La vie est parfois injuste, pour les animaux comme pour les humains, et Miranda devra faire comme tout être vivant : « faire avec ».
A lire, pour la beauté du texte, pour celle des images que les mots décrivent, pour ces instants de communion avec la nature et pour un dénouement inattendu.
En poche chez Actes Sud dans la collection Babel.
Une traduction de Céline Leroy.
Résumé éditeur :
Miranda débarque sur les îles Farallon, archipel sauvage au large de San Francisco livré aux caprices des vents et des migrations saisonnières. Sur cette petite planète minérale et inhabitée, elle rejoint une communauté de biologistes en observation, pour une année de résidence de photographe. Sa spécialité : les paysages extrêmes. La voilà servie. Et si personne ici ne l’attend ni ne l’accueille, il faut bien pactiser avec les rares humains déjà sur place, dans la promiscuité imposée de la seule maison de l’île : six obsessionnels taiseux et appliqués, chacun entièrement tendu vers l’objet de ses recherches.
Dans ce décor inamical et souverain se joue alors un huis clos à ciel ouvert où la menace est partout, où l’homme et l’environnement se disputent le titre de pire danger.
Avec une puissance d’évocation renversante et un sens profond de l’exploration des âmes, Abby Geni plonge le lecteur en immersion totale parmi les requins, les baleines, les phoques, les oiseaux et… les scientifiques, dans un vertigineux suspense, entre thriller psychologique et expérience de survie.