La femme d'après, d'Arnaud Friedmann
« Mon téléphone sonne, je ne réponds pas, le poids des gestes à accomplir pour décrocher, me lever, commander un autre café, s’avère insurmontable. Plus tard, je marche dans Montpellier. Les intersections des rues sont emplies d’autochtones, de touristes, d’individus dont la présence interdit aux meneurs de se mettre en travers du chemin des femmes, de les traiter de connasse et de disparaître. Je marche, mes pas ne me permettent pas de me réapproprier ma liberté, de me reconstituer une insouciance. »
Commencer l’année avec La Manufacture de Livres c’est un très bon départ et cette rentrée littéraire a commencé pour moi avec un roman qui sonne comme une introspection de la femme dans une période de sa vie parfois difficile.
Pour la beaucoup de femmes, l’apparence est très importante. C’est souvent une arme de séduction. C’est quelque chose qui s’entretient et, même si la femme est consciente que sa beauté est éphémère, un atout qu’on voudrait conserver le plus longtemps possible. Quand la jeunesse passe et que la beauté fane, on peut jouer d’artifices et continuer à se voiler la face. Vouloir retrouver ses vingt ans devient parfois une obsession avant l’acceptation nécessaire.
C’est de cela que va vous parler Arnaud Friedmann. Au travers de la narratrice qui, en essayant de retrouver ses vingt ans, en revoyant celui qu’elle avait séduit alors, cet homme qui ne la retient pas chez lui ce soir d’été, croise le chemin de jeunes dans les rues de Montpellier.
Elle se sent victime comme de ségrégation. Elle va se sentir insultée, puis viendra l’humiliation qui est double. A cette victimisation dont elle use vient s’ajouter une culpabilité envers la jeune femme retrouvée morte à deux pas de l’endroit de son agression, assassinée très peu de temps après et qui, pense-t-elle, est morte parce qu’elle, elle était trop vieille.
Arnaud Friedman est arrivé à se glisser dans la peau de cette femme pour nous montrer tous les sentiments qui sont en elle, qui l’oppressent. Derrières les mots écrits sur ces pages, on ressent tout de même un peu de masculinité car le texte n’est pas complètement empathique. Volontairement ou pas, l’auteur fait s’entrechoquer certaines réactions face au désarroi de la narratrice. On peut sentir sa souffrance mais il se dégage parfois un soupçon de reproche envers ce personnage finalement autocentré.
Beaucoup de choses dont parle l’auteur sont vraies, sont endurées ou ressenties chaque jour par des millions de femmes ayant dépassé la quarantaine dans le monde.
Pour des lectrices il s’agit de mettre des mots sur des sentiments, pour des lecteurs peut-être un peu leur ouvrir les yeux et leur insuffler un peu d’indulgence, de compréhension pour éviter, parfois, des drames.
Quand une agression n’a pas lieu mais a des incidences tout aussi dévastatrices, quand la femme d’après ne sera plus jamais la femme d’avant, c’est à découvrir à La Manufacture de livres.
Résumé de l’éditeur :
Dans la nuit, elle regagne son hôtel après ce dîner avec un amour de jeunesse, retrouvé vingt ans plus tard. Elle se sent légère, grisée par la promesse de cette nouvelle aventure. Mais quatre hommes s’arrêtent soudain devant elle. Des mots échangés, une insulte, un regard qui refuse de se baisser. Ils repartent. On pourrait dire que rien ne s’est passé et pourtant demeure en elle une angoisse sourde. Son trouble grandit quand le corps d’une jeune fille est retrouvé le lendemain dans le même quartier. Pourquoi se sent-elle coupable de cette mort ? Qu'y a-t-il en elle qui dissuade ? Pourquoi lui trotte dans la tête le soupçon indigne de n’avoir pas été assez désirable ?
Il y a l'air tiède du milieu de la nuit, quelques moteurs en écho, le bourdonnement des télévisions à l'intérieur des immeubles, puis soudain, des voix. Je ne m'y attendais pas. Je pensais avoir le trajet pour moi. J'avais fantasmé ce retour solitaire jusqu'à ma voiture, dix minutes pour infuser la soirée, ses promesses.
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