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EVADEZ-MOI
28 novembre 2021

Le Noir français en 7 romans

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Le #blackfriday étant purement un concept d'incitation à la consommation anglo-saxon, je vais tenter de vous inciter à consommer de la littérature française. Par esprit de contradiction évidemment mais aussi pour vous redire que #nosauteursfrancaisontdutalent

Voici 7 romans français lus cette année, 7 bijoux du Noir.

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Je commence avec une histoire de femmes écrite par Marie Van Moere et publiée par La manufacture de livres en 2014.
Marie Van Moere nous offre un road movie déboussolant dans cette terre magnifique de Corse, sauvage comme ses habitants, hostile aux étrangers, mais aussi une terre qui tient lieu de refuge et où les secrets sont bien protégés.
C’est une histoire à 100 à l’heure qui se lit sans temps mort.
Mais au-delà d’une histoire de cavale, c’est surtout un roman de femmes, dans toute leur force et leur courage. Une fillette, traumatisée, qui refuse de s’alimenter. Une femme, une mère, Agathe.
Agathe c’est celle qu’on voudrait être dans une pareille situation. Quelle mère n’a pas juré se venger si un jour on faisait du mal à son enfant ? C’est d’ailleurs pour cette raison que, dès le départ, et jusqu’à la fin, on ne verra jamais Agathe comme une criminelle mais comme une mère qui a rendu justice à la place d’une justice défaillante quand il s’agit de violence faite aux femmes et aux jeunes filles. On le lit chaque jour dans la presse… Agathe est une femme incroyablement forte et qui crie aux hommes qu’elle n’a pas peur et qu’ils paieront pour leurs actes même si elle doit sacrifier sa carrière ou y laisser sa peau.
Roman noir violent, féministe, dans un décor de carte postale, Petite Louve est à lire et à relire, un petit bijou.

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Encore un roman de femme, celui de Elsa Marpeau, paru à La Noire cette année.
Il est rare, trop rare même, qu’un roman me donne l’impression d’être celui que j’attendais depuis un moment.
Pourtant, moi qui suis fermement anti-chasseurs, ça partait mal puisque le narrateur, Philippe est un passionné de chasse. J’aurais dû, en principe, le détester dès les premières pages.
Ce roman est en fait une lettre qu’écrit Philippe à son neveu Pierre. Testament, confession ? un peu des deux.
Il raconte l’arrivée en face de chez lui, de l’autre côté du lac, de Julien, un Parisien. Ce nouvel arrivé va peu à peu l’obséder et ni le futur enterrement de vie de garçon d’un de ses compagnons de chasse, ni l’initiation de son fils de 16 ans à la chasse, n’arriveront à lui faire oublier ce voisin.
Le jour où il prend l’initiative d’accueillir ce voisin chez lui pour le présenter à sa femme et à leurs amis, il était loin de se douter que le drame avait déjà commencé.
L’écriture est magnifique. On lit cette histoire écrite avec les mots maladroits d’un taiseux de la campagne, un homme qui écrit sa confession alors qu’il a tout perdu. C’est une quête de pardon, un cri de désespoir d’un homme seul que la culpabilité écrase. Le style de l’autrice vous écrase tout autant et vous tient sous sa semelle jusqu’à refermer le roman.
C’est un roman noir comme il y en a peu, qui nous touche car les personnages semblent tragiquement réels, humains. Il n’y a pas de héro, il n’y a même pas de vrai sale type, il y a un environnement, il y a la méfiance maladive envers un étranger qui vient s’installer, il y a les on-dit et l’effet de meute, il y a la précarité, la jalousie et surtout la fierté.

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Evidemment, Patrice Gain et son magnifique roman paru aux Éditions Albin Michel cette année.
Si ses précédents romans sont excellents, que dire de De silence et de loup ?
L’auteur a le don d’aborder les sujets qu’il a choisis de façon complètement inattendue et inédite.
Ici, le thème est un des plus compliqués à aborder, je pense, et encore plus peut-être pour un auteur masculin. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Patrice Gain se glisse dans la peau d’Anna.
Dans ce texte, outre la froideur des Russes, les températures assez inimaginables sous nos latitudes, la glace, les ours polaires, les loups, il y a aussi des cœurs gelés, des secrets qui pourtant vous brûlent et parfois, la vengeance est ce qui finira par vous consumer.
Cette histoire est vraiment magnifique mais très dure. Elle est sublimée par cette écriture déjà remarquée et aimée dans Terre Fauve et le Sourire du Scorpion par exemple.
Un des plus beaux romans noirs de la rentrée de Septembre.

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Qui n’a pas entendu parler de Nicolas Mathieu ? Prix Goncourt 2018 avec Leurs enfants après eux, primé plusieurs fois pour son premier roman Aux animaux la guerre, on réalise en lisant les deux nouvelles de ce recueil qu’il est aussi un très grand auteur de littérature noire.
Il aborde ici deux thèmes reliés entre elles par les ravages de la détention d’armes par des personnes qui n’en ont aucune légitimité ni expérience.
Il est quasiment impossible de faire un résumé de ces nouvelles qui sont très courtes, moins de 100 pages chacune, mais je vais tenter quand même d’en parler un peu.
Rose Royal, c’est l’histoire d’une femme, Rose, magnifique personnage de femme libérée mais qui a au fond d’elle des cicatrices laissée par des hommes. Rose a un flingue, pour se protéger, quand elle sort le soir au bar le Royal. Là où elle rencontrera un homme, le dernier, qu’elle espère différent.
La retraite du juge Wagner, c’est l’histoire d’un homme cette fois-ci. Un juge à la retraite mais terrorisé par la mafia Corse dont il redoute les représailles après qu’il a envoyé pas mal de ses membres sous les verrous. Le juge a un flingue, pour se protéger, se rassurer aussi. Ce juge est un homme bon, peut-être un peu trop, jusqu’à ouvrir la porte de son appartement à un jeune qui avait tenté de le braquer en car-jacking peu de temps auparavant.
Rose et le juge ont une arme, tous les deux dans le seul but de se protéger. Mais était-ce la bonne méthode ? Pour le savoir, il faudra que vous lisiez ces deux nouvelles.
C’est trop court, on en ressort frustré(e). C’est évidemment bien écrit car Nicolas Mathieu a ce petit quelque chose qui rend un texte superbe, le talent ça s’appelle.
A lire en poche chez Babel (Actes Sud) sans l’ombre d’une hésitation.

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Il y a des romans pour lesquels je craque à cause de, ou grâce à, leur couverture.
Ça a été le cas pour La confrérie des espadons. Je la trouve superbe avec un petit air humoristique à ne pas y toucher.
Cerise sur le gâteau, le roman tient toutes les promesses de cette couverture !
Pierre Gobinet nous sert un roman d’espionnage à l’humour décapant, un vrai régal. Ses personnages sont des anti-héros-espions reconvertis en guide de plongée sous-marine. L’auteur ne fait l’impasse sur aucun cliché que l’on pourrait avoir sur les espions, qu’ils soient russes, israéliens, bosniaques, américains ou français.
La confrérie des espadons se veut la suite de Nitrox, paru aux Editions du Seuil en 2019 mais ce deuxième volet peut très bien se lire seul sans pour autant avoir la sensation d’avoir louper un truc.
Notre héros malgré lui, Nash, est un ancien gendarme qui a monté un club de plongée aux US avec son ami Daniel. Sa vie semble tranquille jusqu’à ce qu’un ancien de ses collègues lui propose de plonger sur les côtes de Sicile pour aller prendre des photos d’un porte-containers qui a à demi sombré au large de Syracuse. Dès ce moment, des espions débarquent de partout, sans compter une tueuse à gage qui ne laisse pas Nash indifférent.
Il y en a pour tous les gouts dans ce roman drôle et sans temps mort : des scènes de plongée sous-marine décrites divinement, des personnages hauts en couleur qui vous feront furieusement penser au Grand Bleu (spéciale dédi aux quinquas quand même), des scènes d’action parfaites, des explosions, de l’amour (pas trop, faut pas pousser).
Et pour délayer tout ça, une écriture pleine d’humour, d’auto-dérision aussi car l’auteur a été militaire et moniteur de plongée. De là à se le représenter en Nash, il n’y a qu’un pas.
Bref, vous l’aurez compris, je me suis régalée.

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Quand on ouvre un livre écrit par Pierre Pelot, on s’attend à quoi ? On se dit qu’on va être menée en bateau et malmenée au bout d’un certain nombre de pages. On se rappelle de La forêt muette ou d’Une autre saison comme le printemps ou encore Les chiens qui traversent la nuit. On sait très bien que sous le calme apparent des premiers chapitres se construit lentement un drame, se gonfle inexorablement la poche de violence qui forcément va éclater.
Dans Les jardins d’Eden ça sera forcément le cas et je ne vous raconterai pas un seul bout de l’histoire au risque de gâcher tout le plaisir mais surtout toute la tension qu’instille l’auteur tout au long des pages.
Je pourrais vous parler de Jip de retour chez lui après une longue convalescence pour voir sa fille et pour apprendre qu’elle a disparu depuis plusieurs mois.
Je pourrais vous parler d’Annie, surnommée Na, sa fille. A 18 ans, elle a perdu sa meilleure amie, Manuella, retrouvée à moitié dans les bois (au sens propre). Sa mère décédée, son père gravement malade, elle se retrouve seule et vit dans le camp qui est implanté sur le terrain d’un camping, au cœur duquel elle a grandi.
Je pourrais vous parler de Manuella, des jumeaux, de Titi, je pourrais. Mais je préfère laisser l’auteur vous les présenter.
Concernant le style du roman mais aussi du talent de l’auteur, ce ne sera pas un manque d’objectivité que de dire que Pierre Pelot est le seul auteur que je connaisse capable de placer une longue scène en plein orage, de vous en faire ressentir toute la force et la violence, sans jamais prononcer les mots d’éclair ou de tonnerre. Cette écriture est riche, magnifique et sait transformer n’importe quel moment somme toute banal en instants de lecture enivrants.
C’est un auteur qui arrive à surprendre même quand on sait très bien qu’il vous attend au détour d’un chapitre pour vous amener là où jamais vous n’auriez pensé arriver. Ça a encore une fois fonctionné avec cette histoire et ce personnage de Jip qui vous touchent et vous écorchent.

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La Manufacture de Livres est une maison qui a le don de dénicher et de révéler des talents français.

Dans la lignée du très remarqué Ce qu’il faut de nuit, roman de Laurent Petitmangin, le magnifique Nos corps étrangers de Carine Joaquim parait en ouverture de cette nouvelle année.

L’autrice nous fait pénétrer dans la vie d’Elisabeth, Stéphane et Maëva.

Stéphane et Elisabeth ont décidé de tenter de sauver leur couple après l’infidélité de Stéphane en quittant Paris et en reconstruisant un foyer à la campagne.

Si Elisabeth s’adapte plutôt bien à sa nouvelle vie, au calme, Stéphane est rongé par les heures de trajet en RER pour aller travailler, par ses regrets.

Maëva, à peine 15 ans, est une ado arrachée à sa ville, à ses amis d’enfance. En pleine rébellion, à l’heure des premiers amours, elle ne va pas leur faciliter la tâche.

Tout cela pourrait paraître bien banal : un couple à la dérive, une ado insupportable, une ville de province, etc…

Oui mais c’est sans compter une superbe écriture et des personnages qui vont interroger sur le regard qu’on a sur les autres, les difficultés de scolarisation d’enfants souffrant de handicap, de l’accueil des migrants, tout un tas de choses qu’un exil champêtre ne peut pas régler et des questions qui sont parfois encore plus difficiles à appréhender en zone rurale qu’en zone urbaine.

Ainsi Stéphane est confronté aux aléas des transports en commun, à un amour sacrifié par loyauté envers sa femme qu’il n’aime plus.

Elisabeth, elle, doit affronter son dégout et sa haine envers celui qui l’a trahie, brisée.

Et Maëva, insouciante, égoïste comme le sont tous les ados, naïve aussi va devoir elle aussi faire face, de plus en plus tout au long du roman.

Une histoire poignante, qui parlera à chacun, et un final que personne ne peut envisager, j’en mets ma main à couper, mais qui prouve bien qu’on ne regarde pas ou qu’on regarde mal les personnes avec qui on vit, celles qu’on aime, ou que l’on croise chaque jour.

C’est dans l’improvisation, sans doute, que se cache le bonheur, dans ces moments infimes où la joie s’invite, d’autant plus précieuse que personne ne l’attendait.

Et pour suivre les auteurs français du noir, je vous invite à rejoindre le groupe facebook :

https://www.facebook.com/groups/194638380971591 

 

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