Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
EVADEZ-MOI
10 mai 2021

J'étais Dora Suarez de Robin Cook

dora suarez

 

Traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias.

Quand on ne sait pas quoi choisir dans sa bibliothèque autant miser sur une valeur sûre.

Il est dit que tout véritable amateur de romans noirs et de polars se doit d’avoir lu J’étais Dora Suarez de Robin Cook.

J’ai donc voulu vérifier si ce roman qui a un peu plus de trente ans était toujours à classer au rang des chefs d’œuvre du genre.

Commençons par l’histoire. Ce n’est pas forcément là que nous trouvons ce qui fait la force de ce roman. Un double meurtre sauvage, une jeune femme, Dora, et sa logeuse de quatre-vingt-six ans sont retrouvées dans leur appartement, l’une mutilée à coup de hache et l’autre la nuque brisée quand elle a été violemment projetée contre une horloge. Dans le même temps, un malfrat est lui aussi assassiné dans son appartement. Les deux flics chargés des deux affaires vont travailler ensemble, persuadés que leurs deux dossiers n’en font qu’un. Ça, c’est l’histoire en surface, une trame classique.

Continuons par les personnages et là ça commence à devenir intéressant. Nous avons un flic qui restera anonyme jusqu’à la fin. C’est un flic qui souffre de la perte d’un enfant, c’est un peu cliché mais, finalement, on aime ces flics écorchés par la vie. Quand il découvre les corps de Dora et de la vieille madame Carstairs, il devient obsédé par cette affaire et plus encore par Dora, cette jeune femme si belle mais qui a enduré les pires souffrances, d’une mort affreuse, mais surtout d’une maladie qui faisait alors des ravages.

Nous avons l’assassin dans la peau duquel nous glisse parfois Robin Cook, un psychopathe déséquilibré (oui on frise le pléonasme, je sais).

Et nous avons surtout Dora. Elle n’est à aucun moment vivante dans ce roman et pourtant elle est là à chaque page. Elle pénètre ce flic complètement hors des clous au travers de son « journal », retrouvé sur les lieux du crime. C’est un carnet où elle parle de ses souffrances, de sa maladie et projette de se suicider le jour même de son assassinat.

Le plus marquant dans ce roman c’est évidemment le style et la façon dont l’auteur passe de ce flic au tueur et à ses sensations et pulsions meurtrières puis dans les plus profondes pensées de Dora écrites dans son journal. C’est violent, rugueux et extrêmement sombre.

Le seul bémol que je pourrais trouver c’est le contexte. Ce roman n’a certainement pas eu la même portée sur des lecteurs de 1990 que sur des lecteurs de moins de trente ans en 2020. Le Sida est apparu dans les années 80 et a été bien plus mortel, rappelons-le, que le virus que nous subissons aujourd’hui. En 1990, il n’y avait encore aucun remède tel que la trithérapie pour permettre aux séropositifs de survivre bien longtemps. C’est une mort lente et douloureuse, sans compter l’aspect « honteux » que les politiciens et les médias de l’époque lui ont donné injustement. En 1990, le Sida faisait extrêmement peur.  Donc, lors de la sortie de ce roman, la portée en était complètement différente et il faut se remettre dans ce contexte pour en apprécier toute la force. J’étais ado en 1990, je me souviens de ces années-là où on terrorisait tous les ados en montrant du doigts les homosexuels et les drogués comme s’ils étaient responsables alors qu’ils étaient les premières victimes. Robin Cook décrit la souffrance de cette maladie, physiquement, mais aussi psychiquement en rendant toute relation physique impossible sous peine de donner la mort à son partenaire tout en se sachant condamné.

C’est un roman très puissant et, effectivement, un incontournable du genre.

 

 

4ème de couverture :

« ... S’il est vrai que parfois j’entre en désespoir (et c’est vrai), c’est le défi du roman noir tel que je le vois. Je peuple mes livres de gens gaspillés qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent descendre la pente sans même une plainte. Mes livres sont pleins de gens qui, sachant qu’ils ont été abandonnés par la société, la quittent d’une façon si honteuse pour elle qu’elle ne fait jamais mention d’eux. Et c’est pourquoi J’étais Dora Suarez n’est pas seulement un roman noir, et qu’il va encore plus loin, pour devenir un roman en deuil. » Robin Cook

 

L’auteur :

Robert, William, Arthur Cook dit Robin Cook est un écrivain britannique né le 12 juin 1931 à Londres et décédé dans la même ville le 30 juillet 1994, auteur de roman noir. Il est connu pour son roman policier « J'étais Dora Suarez » (1990).

 

 

J'étais Dora Suarez

" ... S'il est vrai que parfois j'entre en désespoir (et c'est vrai), c'est le défi du roman noir tel que je le vois. Je peuple mes livres de gens gaspillés qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent descendre la pente sans même une plainte.

https://www.payot-rivages.fr



 

Editeur : Rivages (1990 pour le grand format, 2016 pour la version poche)

Commentaires
Newsletter
Archives