Leonid doit mourir de Dmitri Lipskerov
Traduit du russe par Raphaëlle Pache.
Depuis le lycée, j’ai une affection particulière pour la littérature russe et c’est peut-être Dostoievski qui m’a amenée au polar, allez savoir.
Il y a presque un an, je vous parlais de L’outil et les papillons de Dmitri Lipskerov (traduit par Raphaëlle Pache également). C’est un roman drôle et subtil.
Si j’ai beaucoup aimé le précédent, la lecture de Léonid doit mourir a été un vrai régal.
On suit en parallèle deux personnages dans deux époques distinctes.
Il y a tout d’abord l’histoire de Léonid qui, comme tout être humain, débute à l’état de fœtus au début des années soixante. Mais Léonid est un fœtus particulier, doté, dès sa conception ou presque, d’une conscience, d’une capacité de compréhension du monde extérieur au ventre de sa mère qu’il voit comme son « Cosmos ». Ce petit « futur » homme est capable de percevoir tout ce qui se déroule, de ressentir de la haine pour ceux qui feraient du mal à sa mère. Quand elle meurt en lui donnant naissance, il se jure de la venger.
Ici, c’est prétexte pour l’auteur de parler un peu mais clairement cependant de l’avortement ou plutôt du statut du fœtus. Puis, de décrire ce que pourrait ressentir un bébé privé de sa mère et confié à un orphelinat d’Etat dans l’Union Soviétique du début des années soixante.
C’est souvent très drôle, une façon de tourner en dérision des vérités difficiles à accepter sur la condition des russes, les plus pauvres, des agissements de la police et du devenir des orphelins et des enfants handicapés dans ces institutions.
Il y a ensuite Angelina, 82 ans au début des années 2000, dont l’auteur nous retrace les prouesses militaires mais aussi tous les chagrins qui ont jalonné sa vie jusqu’à ce que, alors octogénaire, on lui offre la possibilité d’une jeunesse si ce n’est éternelle, en tout cas de retour.
A travers Angelina et d’autres personnages, c’est la quête de jouvence à tout prix, une sorte de course à la jeunesse par tous les moyens, que l’auteur nous expose.
Enfin, réunissant ces deux personnages exceptionnels, avec une bonne dose de fantastique, saupoudré de mysticisme, Dmitri Lipskerov démontre que quoi que l’on fasse, le passé nous rattrape et nous amène à nous poser la question : est-ce que ça en vaudrait vraiment la peine ?
Dmitri Lipskerov a une imagination débordante, une écriture lucide, subtile, un peu cynique mais avec beaucoup d’humour. Il parvient à dénoncer un régime dur avec dérision. C’est toujours un réel plaisir de lire ses textes et celui-ci est, pour l’instant, mon préféré.
4ème de couverture :
En 1964, Léonid est un fœtus doué de conscience qui livre avec humour ses réflexions depuis le ventre de sa mère. Celle-ci morte en couches et son père disparu, le petit passera son enfance oublié de tous dans un orphelinat, où il se découvrira certains dons et un goût très personnel pour la vengeance.
En 2005, Angelina, 82 ans, sniper à la retraite capable de pressentir la mort des hommes, héroïne de la Grande Guerre patriotique, se lance dans une quête de jouvence. Son médecin est formel : si sa peau est ridée et détendue, ses cellules ont gardé la vitalité de ses vingt ans...
Que peut-il advenir d'une rencontre entre Léonid et Angelina ?
L’auteur :
Dmitri Lipskerov, né en 1964, est l'auteur de pièces de théâtre, de nouvelles et de plusieurs romans qui lui ont acquis une popularité exceptionnelle et le statut d'un des écrivains les plus marquants de la Russie actuelle. Souvent comparé à Gabriel García Márquez et à Viktor Pélévine, Lipskerov est un représentant remarquable du réalisme magique, offrant une lecture de l'état des choses dans le pays à travers des images saisissantes où le surnaturel se mêle au poétique, au grotesque et au baroque.
Déjà paru aux éditions Agullo : Le dernier rêve de la raison (janvier 2018), L’outil et les papillons (février 2019).
A lire aussi :
Traduction de Raphaëlle Pache. Aujourd'hui je ne vais pas vous parler d'un roman noir même si ce roman montre, disons, un des travers des hommes qui les conduit à certains comportements qui ont tendance à engendrer le pire.
http://www.evadez-moi.com
Éditeur : Agullo (janvier 2021)
Collection : Agullo Fiction
ISBN : 979-1095718987