Fin de saison de Thomas Vinau
"Je m'appelle Victor et je nous emmerde. Pas que vous hein, moi aussi, tout le monde. Aucune discrimination à l'embauche. Vous allez me dire que je suis un peu belliqueux, c'est pas faux. Disons qu'il y a des jours avec et des jours sans. Ou des années avec et des années sans. Ou des vies entières avec et des vies entières sans."
Victor est un père de famille pas très vaillant. Il passe ses heures de désœuvrement sur des sites survivalistes et sa grande fierté, ce n’est pas ses deux fils mais son Catakit, son kit de survie en cas d’apocalypse. Lors d’une tempête particulièrement violente et alors que sa femme est partie chercher les enfants à l’école, il se réfugie à la cave avec son chien et le lapin de ses fils, juste à temps, avant que la maison ne s’écroule. Il se retrouve piégé avec les deux animaux et son catakit.
Ce court roman, qui relève davantage de la novella, est avant tout très drôle. Le personnage est pathétique, la situation improbable.
Victor hésite entre une attaque zombie ou une invasion extra-terrestre et come tout bon égocentrique il est persuadé d’être à présent seul au monde.
Petit à petit le personnage va se remettre en question, va tenter d’analyser comment une telle situation a pu arriver.
Sous couvert d’un texte qu’on pourrait, à tort, prendre pour léger, l’auteur questionne sur notre influence sur la nature. Pour son personnage, il est déjà trop tard. Mais la question que l’on pourrait se poser est : devra-t-on attendre une fin du monde, ou fin de saison, météorologique pour agir et tenter de freiner, à défaut de stopper, l’inéluctable ?
J’ai beaucoup aimé cette histoire mais aussi cette écriture cynique et moqueuse, un vrai moment de lecture feel good, le sourire aux lèvres. Un peu d’humour dans ce monde en perdition.
Un extrait :
Une feuille volante dans un des magazines. C’est un tag de mon fils, le plus grand, il s’entraînait à faire ça depuis quelque temps. On sent l’application, les traits du stylo, les couleurs des feutres mélangées. On sent que c’est important, dérisoire et beau, indispensable et inutile, comme un tableau de maître ou une tragédie grecque, comme une fugue de Bach ou un poème de Rilke, comme toutes les œuvres d’art des mammifères maudits que nous sommes. Je suis tellement ému de tomber sur ce dessin. On perçoit encore l’enfant, dans les traits malhabiles, sa candeur, et pourtant déjà, en même temps, se mêle le roi maudit, le dernier survivant du champ de bataille, la fleur qui connaît la mort. Mon fils. Il a écrit « Le monde ou rien. » C’est drôle à pleurer. C’est beau à s’arracher les yeux. Derrière, son petit frère a dessiné un bonhomme-gribouillis. Impossible de savoir si sa tête représente un soleil ou une tête de mort, un pirate ou un escargot, un fou ou un roi. C’est tout ça à la fois, puisque c’est la première représentation d’un humain. Première au sens de primordiale. Cata ou pas, il existe peu de choses plus belles sur cette terre qu’un bonhomme-gribouillis d’enfant. C’est bien la seule putain de création qui nous préserve de la damnation éternelle. Ça j’ai jamais eu besoin de la fin du monde pour le savoir. Mes enfants. Pardon. Pardon. On a tout bousillé comme prévu. « Le monde ou rien »… Ce sera la seconde option.
4ème de couverture :
Quelle est la différence entre un bon vivant et un bon survivant ? Peut-on s’hydrater avec de l’eau-de-vie ? Quelle est la valeur nutritionnelle d’un rêve ? Peut-on se sauver en se sauvant ? Les lapins sentent-ils venir la mort ? Autant de questions que Victor, père de famille et gentil looser, ne s’est jamais posées… jusqu’au jour où il se retrouve enfermé dans sa cave avec un chien et un lapin pendant que le monde s’écroule. Survivaliste pathétique, cet anti-héros ironique et incisif dit, sur un mode burlesque, quelque chose de nos aspirations et de nos échecs.
L’auteur :
Thomas Vinau est un poète et auteur français.
Il a publié "Du sucre sur la tête", un album jeunesse, chez Motus (2011), "Nos cheveux blanchiront avec nos yeux" (Alma, 2011), "Ici ça va", "Bric à brac hopperien" (Alma, 2012), "Juste après la pluie" (Prix Copo des Lycéens), "La part des nuages" (Alma 2014), "Des salades" (2016), "Le camp des autres" (Alma 2017)...
En 2016, "Des Salades" reçoit le Prix Joël Sadeler et "Bleu de travail" le Prix René Leynaud.
Quelle est la différence entre un bon vivant et un bon survivant ? Peut-on s'hydrater avec de l'eau-de-vie ? Quelle est la valeur nutritionnelle d'un rêve ? Peut-on se sauver en se sauvant ? Les lapins sentent-ils venir la mort ? Autant de questions que Victor, père de famille et gentil looser, ne s'est jamais posées...
http://www.gallimard.fr
Editeur : Gallimard (septembre 2020)
Collection : Sygne
ISBN : 978-2072897016