Avant les diamants de Dominique Maisons
Rares sont les auteurs qui arrivent à me surprendre et à me donner des nuits blanches de lecture impossible à laisser en plan. Contre toute attente, Dominique maisons a réussi.
Contre toute attente parce que j’avais en souvenir son dernier roman Tout le monde aime Bruce Willis pour lequel j’avais dit :
« On a pu lire que ce roman dénonçait les manigances du star system américain. Oui, c’est certes le thème de ce roman, mais en même temps, rien de nouveau au pays de Mickey. Oui, ça le dépeint bien mais ça aurait mérité d’être plus documenté, surtout que le harcèlement subi par les actrices fait régulièrement la une des journaux à scandales en ce moment. Les personnages sont un peu trop caricaturaux mais Rose s’en sort plutôt bien.
Pour résumer, c’est un petit thriller qui aurait gagné en étant soit plus sombre, soit carrément plus décalé, un peu à l’image de son titre. Un roman fait pour s’adapter au plus grand nombre et qui a pour lui de n’être ni tortueux, ni vraiment violent. »
Mes vœux ont été exaucés car l’auteur a opéré un revirement à 360° avec Avant les diamants.
Pour commencer, nous ne sommes plus du tout dans le thriller mais bien dans un roman noir de très haute qualité.
Dominique Maisons nous amène sur un tapis rouge toutes les stars des années 50 comme Errol Flynn, John Wayne, Hedy Lamarr et d’autres, à leurs débuts.
Il nous dépeint l’industrie du cinéma d’après-guerre, dans une période de Guerre Froide, de chasse aux communistes mais aussi une Amérique où les gangsters et la mafia règnent encore, forts de leurs trafics durant la prohibition qui ont fait leur fortune.
C’est aussi une industrie contrôlée par l’armée et les ligues catholiques et qui sert d’outil de propagande à la gloire de l’Amérique, d’ailleurs, c’est toujours le cas de nos jours. Il n’y a qu’à repenser à tous ces films de guerre (Full metal jacket, Platoon, Il faut sauver le soldat Ryan, etc…) ou les films d’action des années 80/90 (Rambo, Alien, Commando, etc.) où l’américain est le super héro qui gagne toujours contre les méchants, sans parler de Rocky qui gagne contre un Russe, par exemple.
Dominique Maisons ne s’arrête pas là, il dénonce également le sexisme du système, le pouvoir des producteurs qui n’hésitent pas à exercer chantage et harcèlement sexuel sur des jeunes femmes (et hommes) pleins d’espoir de devenir une vedette du grand écran : les viols, les souffrances, les coups et jusqu’aux meurtres.
Car c’est bien un magnifique roman noir que nous offre l’auteur, parfois très violent avec une fin détonante comme un final de feu d’artifice que ne renierait pas Tarantino.
La maison d’édition annonce un roman qui se place dans les pas d’Ellroy ou de Winslow… Allez Dominique, tu peux sortir ta chemise hawaïenne tu as gagné le droit de la porter.
Un extrait :
- Dans les prochaines décennies, nous allons devoir intervenir de plus en plus en dehors de nos frontières. Il nous faut développer notre force et préparer le monde à cet usage. Le cinéma jouera un rôle essentiel sur ce point. Nous devons convaincre le monde que l’usage de la force par les Etats-Unis est toujours légitime. Nous sommes le camp du bien et nos actions sont guidées par des idéaux démocratiques et pacifiques. Nous n’utilisons la force que quand elle est juste et nécessaire. Tous les films de votre bordel décadent doivent servir à véhiculer cette idée. Je me fiche que les films nous montrent en train de botter le cul à des Japs, des nazis, des cocos, des Martiens, des robots ou des insectes géants. Vous ne manquerez pas d’idées, je n’en doute pas. Je veux que chaque mois, des gamins dans le monde se précipitent au cinéma pour aller voir des soldats américains rétablir l’ordre et la paix. Nous sommes le camp du bien, il ne doit y avoir aucun doute là-dessus. Nous sommes la force du juste au service du plus faible et de la paix. Vous savez qui a dit « Qu’on me donne le cinéma américain et je n’aurai aucun mal à convertir le monde au communisme ? » ?
- Non, mon général.
- Staline lui-même. Il se fait projeter des films américains tous les soirs. Il adore John Wayne, pouffe le général. Quant à moi, je déteste ces gamineries, je préfère la littérature, mais j’ai adoré le script de votre premier projet, Marionnettes Humaines. C’est exactement ça que je veux. Votre producteur est un malin, vous avez fait le bon choix.
- Vous avez lu le dossier que nous vous avons envoyé à son sujet ?
- Bien sûr, et c’est pour cela que je vous ai fait venir : j’ai l’impression que votre boussole s’est déréglée et que vous partez plein sud. Alors écoutez-moi bien : je me fiche que votre Moffat soit le dernier des enfants de putains. On ne gagne pas des guerres avec des bons samaritains. Vous n’êtes pas flics, cette histoire de starlette esquintée, ce n’est pas votre problème. S’il se fait choper par le LAPD, vous condamnerez ses agissements et vous en trouverez un autre. Si des petits malins essaient d’utiliser l’affaire pour nous chercher des noises, je m’en occuperai. Nous sommes en guerre et ceux qui ne le comprennent pas seront éliminés.
4ème de couverture :
Hollywood, 1953. L'industrie cinématographique est un gâteau fourré à l'arsenic que se disputent la mafia, l'armée et les ligues de vertu catholiques. Dans ce marécage moral et politique, ne survivent que les âmes prêtes à tout. Le producteur raté Larkin Moffat est de ceux-là. Abonné aux tournages de séries B, il fait vivoter les crève-la-faim du cinéma et enrage contre ce système qui l'exclue. Jusqu'au jour où il se voit proposer la chance de sa vie. Dans cette combine dangereuse vont graviter autour de lui le major Buckman, parieur et coureur invétéré, le très ambivalent père Santino Starace, l'impresario et proxénète Johnny Stompanato. Tous vont croiser leurs destins, multiplier les manœuvres et les crimes dans ce grand cirque du cinéma américain. Alors que défilent les Errol Flynn, Clark Gable, Hedy Lamarr et autres Frank Sinatra, ce petit monde sans scrupule va s'adonner à ce qu'il sait faire de mieux : manipuler les masses et veiller à son profit.
L’auteur :
Dominique Maisons, né en 1971, est l’une des nouvelles révélations du polar français. Son premier thriller a été couronné du Grand Prix VSD du polar 2011 : Le Psychopompe (réédité chez Pocket sous le titre Les Violeurs d’âme). On se souvient du nom des assassins (La Martinière, 2016), a remporté le prix du meilleur roman historique de la Griffe Noire.
Avec son " roman-vrai " Avant les diamants, il effectue un tournant littéraire majeur, qui le place dans les pas des plus grands – James Ellroy, Robert Littell ou Don Winslow.
Editeur : La Martinière (août 2020)
Collection : Fiction
ISBN : 978-2732495125