Protocole gouvernante de Guillaume Lavenant
Il était temps que je vous parle du premier roman de Guillaume Lavenant, auteur Nantais, qui parait en poche en cette rentrée littéraire 2020.
Sorti en grand format en Août 2019, Protocole Gouvernante n’a pas forcément reçu la mise en avant qu’il mérite. Notons toutefois sa nomination au Prix Médicis et au Prix de Flore.
Je vais commencer par le (seul) point négatif mais qui n’est ni lié au style, ni à l’histoire : la 4ème de couverture. Je ne la recopierai pas dans cette chronique car elle en dit beaucoup trop, comme une apogée de ce que l’on nomme (de façon atroce ceci dit) un « spoil ».
Je vous encourage vivement à commencer ce roman sans aller voir en 4ème de couverture.
Nous sommes dans un quartier résidentiel. Un couple et leurs deux enfants accueillent une femme qui se présente pour un poste de gouvernante. Elle devra s’occuper principalement d’Elena, leur petite fille. Tous les faits et gestes de cette gouvernante semblent réglés au millimètre par un mystérieux protocole qu’elle doit suivre à la lettre, peu importe ce qu’elle doit dire ou faire. « N’en tenez pas compte. Suivez le protocole. » Tout est donc prévu car tout est prévisible.
Il faudrait toujours essayer de comprendre ce que les gens ressentent, disait Lewis, essayer de se mettre à leur place, car ce qu’ils ressentent, nous l’avons déjà ressenti, ce qu’ils pensent, nous l’avons déjà pensé, et eux non plus n’ignorent rien de ce que nous pensons. L’erreur, la grande erreur, l’immense erreur, et Lewis faisait des effets de manches pathétiques, serait de se croire exclu de cette règle, de penser que, et Lewis choisissait ce moment pour vider son verre, d’une façon ou d’une autre, nous sommes uniques.
Parce que c’est de ça que nous parle l’auteur, de conformisme, de mimétisme, en particulier des classes bourgeoises, si formatées qu’elles ne réservent aucune surprise dans leurs actions et leurs réactions. Il nous parle aussi de la facilité de les déstabiliser mais temporairement.
C’est un texte très profond et très intéressant. Mais, par-dessus tout, ce qui est exceptionnel, c’est bien le style de l’auteur. Guillaume Lavenant, en un seul roman, impose un style incroyable. Dès le départ, il met le lecteur dans la peau du personnage principal, c’est à nous qu’il inculque le protocole. Le lecteur exécute servilement les instructions. Certaines paraitront étranges « N’en tenez pas compte. Suivez le protocole. ».
Tout cela vous épuisera : faire la lecture du livre de Strand, accompagner Elena, les assister, les écouter, chaque jour. Ce travail quotidien vous laissera sans forces. Au moment de vous coucher, vous n’aurez que votre protocole pour tenir. Lisez-le lentement. Déchiffrez avant de faire, faites avant de poursuivre la lecture, trouvez le bon rythme, l’entrelacement adéquat entre le programme et son application, chaque protocole ayant le sien propre, sa façon propre de battre du cœur, disait Lewis. Chaque jour, apprenez-en plus, mais ne forcez pas la marche, n’allez pas trop vite, ne cherchez pas à connaître tout de suite la fin, qui n’en est pas vraiment une, vous le savez, agissez et lisez lentement, c’est un réglage à trouver. Le rythme est tout, affirmait Lewis avec tout le sérieux du monde. Suivez son conseil.
La lecture est littéralement fascinante mais je suis d’accord avec ce qu’a pu en dire une de mes amies : c’est un texte qu’on adore ou qu’on déteste, il n’y aura aucune demi-mesure. J’ai été séduite, emportée, jusqu’à la fin qui laisse des réflexions, des questions à se poser, des possibilités à envisager.
C’est un premier roman unique en son genre et une très belle réussite.
Diplômé de l'INSA de Lyon, Guillaume Lavenant reprend des études en lettres modernes à Rennes, en 2001.
En 2007, après son master de lettres, il partage son temps entre son métier d’ingénieur, l'écriture théâtrale et la mise en scène au sein du collectif nantais Extra Muros. Il est notamment auteur d'un conte poétique, "Cheval", joué sur plusieurs scènes en région Pays de la Loire en 2013.
En parallèle, il commence la rédaction de son premier roman, "Protocole gouvernante", publié en 2019.
Une jeune femme sonne à la porte d'une maison dans une banlieue pavillonnaire coquette et tranquille. Le couple aisé qui l'accueille lui donne quelques recommandations concernant leur fille Elena, dont elle aura la charge. La gouvernante sourit, pose les mains bien à plat sur ses genoux, module sa voix, les met à l'aise...
https://www.payot-rivages.fr
Editions Payot-Rivages, collection Littérature, Août 2019, Rivages Poche 2020.