Graine de sorcière de Margaret Atwood
Traduit de l’anglais par Michèle Albaret-Maatsch
Quand je faisais mes études de langues étrangères, j’ai bien sûr eu droit aux cours de littérature et donc à Shakespeare. Il reste à ce jour un de mes auteurs classiques préférés peut-être parce qu’il n’y a guère plus sombres que ses textes.
Alors, quand je suis tombée sur la 4ème de couverture de Graine de sorcière, je n’ai pas hésité un quart de seconde.
Cette 4ème promettait un décor de la pièce « La tempête » mais c’est plus qu’un décor, c’est une intrigue dans l’intrigue.
Margaret Atwood réalise l’époustouflante performance de revisiter la pièce originale tout en y étant extrêmement fidèle. Elle remet en avant un texte qui n’est pas forcément le plus connu de Shakespeare mais qui est un magnifique hymne à la liberté.
Tout comme beaucoup de personnages « shakespeariens », ceux de Margaret Atwood sont tourmentés, rongés par des sentiments tels que la jalousie, la haine, la vengeance. Le tout associé à la vieillesse qui s’installe, la déchéance, la folie, la solitude et le deuil impossible d’un enfant.
L’auteure dresse alors une histoire de vengeance incroyablement murie, travaillée, intelligente, tout simplement bluffante, à l’image des décors que va créer Félix, le personnage principal, pour mystifier et piéger ceux qui lui ont pris tout ce qui lui restait dans la vie.
Ici s’allient des dialogues parfois très drôle à une trame noire intense et une essence dramatique intense.
La littérature comme évasion, un enseignement pour des hommes enfermés dans un pénitencier, une seconde chance offerte par la vie à eux mais aussi à leur professeur. Il y a du courage, de la peine, de la tendresse, de l’amour, des rires et des pleurs.
Pour tous les amoureux de Shakespeare, pour ceux qui souhaitent le découvrir un peu plus, ce roman sera peut-être un peu moins accrocheur pour les autres. Cependant, la plume aguerrie de Margaret Atwood saura convaincre les plus rétifs.
Un extrait :
C’est du théâtre, proteste mentalement Félix. L’art de l’illusion vraie ! Bien entendu qu’il traite de situations dramatiques ! Il convoque les démons pour mieux les exorciser ! N’avez-vous pas lu les Grecs ? Le terme de « catharsis » a-t-il un sens pour vous ?
Monsieur Duc, monsieur Duc, vous êtes bien trop dans l’abstrait. Ces hommes sont des personnes réelles. Ils ne sont pas là pour justifier votre esthétique théâtrale, ce ne sont pas vos souris de laboratoire, ce ne sont pas vos joujoux. Un peu de respect s’il vous plaît.
Du respect, j’en ai vraiment, répond Félix en silence. J’ai du respect pour le talent : le talent qui sinon resterait caché et qui a le pouvoir de faire surgir et la lumière et l’être des ténèbres et du chaos. Pour ce talent, je dégage un espace et un temps ; je lui ménage une habitation et un nom, si éphémères soient-ils ; mais tout théâtre est éphémère. C’est la seule sorte de respect que je connaisse.
4ème de couverture :
Injustement licencié de son poste de directeur du festival de Makeshiweg, au Canada, alors qu’il mettait en scène La Tempête de Shakespeare, Felix décide de disparaître. Il change de nom et s’installe dans une maisonnette au cœur de la forêt, pour y panser ses blessures, pleurer sa fille disparue. Et préparer sa vengeance.
Douze années passent et une chance de renaître se présente à Felix, l’occasion de donner des cours de théâtre dans une prison. Là, enfin, il pourra voir sa troupe de détenus jouer La Tempête, et tendre un piège aux traîtres qui l’ont détruit. Mais la chute de ses ennemis sera-t-elle suffisante pour permettre à Felix de s’élever à nouveau ?
L’auteure :
Margaret Atwood, née en 1939 à Ottawa, est diplômée des universités de Toronto et d’Harvard. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages – La Servante écarlate, OEil de chat, La Voleuse d’hommes, Captive, C’est le coeur qui lâche en dernier –, elle est l’un des écrivains les plus estimés de notre époque. Lauréate de dix doctorats honoris causa, chevalier de l’ordre français des Arts et des Lettres, elle reçoit, en 2000, le Booker Prize pour Le Tueur aveugle puis de nouveau en 2019 pour Les Testaments. Margaret Atwood vit à Toronto avec son mari, l’écrivain Graeme Gibson.
Graine de sorcière, de Margaret ATWOOD (Auteur). Margaret Atwood réécrit Shakespeare avec brio dans ce nouveau roman rocambolesque et savoureux. Une histoi...
https://www.lisez.com
Editeur : 10 X 18 (juin 2020)
Collection : Littérature étrangère
Primo éditeur : Robert Laffont (avril 2019)
ISBN : 9782264074133