Les yeux fumés de Nathalie Sauvagnac
Retour aux auteurs et auteures du Noir français avec ce roman de Nathalie Sauvagnac.
J’ai mis un peu de temps à me lancer dans sa lecture car sa 4ème de couverture m’a semblée proche du thème d’un roman lu il y a quelques temps de Hervé Prudon : Nadine Mouque (La Noire, Gallimard).
Si Les yeux fumés parle d’un jeune des cités, ici, on est plus dans le roman noir social.
Philippe est un adolescent d’une cité. Il n’est plus scolarisé, n’a pas de travail, n’est pas le fils aîné chéri de ses parents et passe ses journées à trainer entre les tours et le centre commercial.
Les immeubles ici poussent aussi vite que les gosses. Ils avaient pensé, au début, créer des espaces verts puis ils ont changé d’avis ; ils ont préféré faire le centre commercial. Ils ont construit une médiathèque et un centre culturel pour compenser, ils y invitent des spectacles que personne ne va voir parce que c’est trop intelligent. Ils passent aussi des films d’art et d’essai. Je connais ça, les arts et essais, j’ai essayé d’y aller un jour pour draguer une lycéenne mais je me suis endormi. La médiathèque, on y a été quand j’étais au collège pour visiter et nous donner l’envie de lire, comme ils disaient. Je me rappelle que Brian avait surpris la mère d’Ahmed dans le coin où il y a des livres avec des images, là où il y a des tables et des chaises pour les nains. Elle était seule, toute voûtée et concentrée sur un livre pour les mômes et elle suivait avec son doigt en articulant à voix basse les syllabes des mots. Ahmed il en avait entendu parler pendant tout le reste de l’année de sa mère illettrée, on s’est bien marrés avec ça.
La seule chose vraiment réussie finalement c’est le centre commercial. Moi, j’y passe beaucoup de temps. Je regarde les gens, je pique deux ou trois bricoles que je revends pour me faire du fric.
C’est assez étonnant comme la cité est parfaitement retranscrite, j’ai même l’impression d’être au beau milieu de celle que je connais bien et où je me rends régulièrement à Toulouse.
Mais revenons à Philippe puisque tout le roman est centré sur lui. Certains penseront « ah oui, on va nous raconter le parcours d’une racaille ». Outre le fait que c’est un terme que je ne supporte pas, Philippe est un garçon sensible, en souffrance. Il est un peu naïf mais c’est ce qui fait qu’on ressent beaucoup d’affection pour lui. Malgré ses rêves, il est difficile de sortir de la cité.
C’est un magnifique portrait de la jeunesse de ces zones dont on a souvent une image tronquée par les médias et les politiques, de ces quartiers qui peuvent rendre fou un gamin. Alors certainement que certains étroits d’esprits dénués de neurone n’y verront qu’une banale histoire d’un gamin sans intérêt d’un quartier où ils ne mettront jamais les pieds, mais tant pis pour eux car c’est bien dommage de ne pas y voir tout ce qu’il y a de sensible, de touchant, de triste aussi. Un petit bijou.
C’est une plume précise, sensible mais sans pitié.
A découvrir absolument.
4ème de couverture :
Au centre, il y a Philippe. Philippe qui vit dans une cité et passe ses journées à traîner, fumer et piquer des bières au centre commercial. Philippe, entouré d'une mère qui le déteste ouvertement, d’un père effacé qui a renoncé depuis longtemps et d’un frère aussi beau que bête.
À côté, il y a Bruno, son pote baroudeur et destroy. Bruno qui raconte qu'il a fait le tour du monde, a connu les plus belles femmes, qu'il n'est là que de passage, avant son prochain voyage.
Autour, il y a Gros Riton, P'tit Louis, Mme Piccini, La Vieille, Flora avec ses seins d'enfant et Anne, la plus moche des moches. Et puis il y a les canards du parc qui s'étouffent avec des bouts de plastique, les grues et les murs qui tiennent avec les dealers, les gamins qui crient trop fort aux pieds des barres d'immeubles.
Les petites violences du quotidien n'atteignent pas Philippe, tant qu'il y a de la bière et les histoires de Bruno pour inventer un autre horizon que celui des tours de béton.
Jusqu'à ce qu'un drame vienne pulvériser son équilibre de papier et déclenche la bombe à retardement...
L’auteure :
Nathalie Sauvagnac est écrivaine, professeure de théâtre, metteuse en scène, comédienne et directrice d’une compagnie. Elle a publié un premier roman, Ô Pulchérie !, aux éditions Denoël (2018). Avec Les Yeux fumés, elle opère un virage magistral dans l'univers du roman noir.
Au centre, il y a Philippe. Philippe qui vit dans une cité et passe ses journées à traîner, fumer et piquer des bières au centre commercial. Philippe, entouré d'une mère qui le déteste ouvertement, d'un père effacé qui a renoncé depuis longtemps et d'un frère aussi beau que bête.À côté, il y a Bruno, son pote baroudeur et destroy.
https://www.editions-jclattes.fr
Editeur : Le Masque (septembre 2019)
ISBN : 978-2702449301