I am vampire de Romain Ternaux
Avec la plupart des maisons d’édition auxquelles je suis habituée, je sais à quoi m’attendre : bon polar, passionnant roman géopolitique, belle histoire humaine, etc…
Mais il en est une avec laquelle je sais que le texte sera une surprise. Comme je suis d’une curiosité maladive concernant la littérature, j’aime beaucoup les romans d’Aux Forges Vulcain.
I am vampire est un roman à l’histoire et aux personnages complètement improbables mais jubilatoires, un peu dans le même style que Quatorze crocs de Matin Solares paru chez Christian Bourgois et dont je vous ai parlé récemment mais sans être un polar.
I am vampire c’est l’histoire de Bertrand, artiste sans le sou, vivant aux crochets de son ami Yann. Romain Ternaux nous campe ici un personnage opportuniste, méprisant, imbu de lui-même et misanthrope. Rien de bien attachant mais Bert’ se révèle si pathétique qu’on en rit, tout comme des situations cocasses dans lesquelles ils se retrouvent, Yann et lui. Quand il apprend qu’un riche Transylvanien s’intéresse à ses tableaux, Bert’ file dans les Carpates et découvre dans le même temps, son ascendance vampire.
L’image des fameux vampires est mise à mal et je crois bien que Bram Stoker se retourne dans sa tombe et qu’Anne Rice a fait une syncope.
Mais l’auteur s’attaque surtout à l’art contemporain. C’est incisif, acide, caustique mais avec beaucoup d’humour.
Je jette un regard vers ma bibliothèque, je crois que j’ai une idée. Si je revendais toute cette paperasse ? Après tout, je ne reviendrai jamais sur tous ces caractères poussiéreux, surtout pour ce que ça vaut… Je veux dire, en dehors de trois ou quatre chefs-d’œuvre absolus comme Les Chants de Maldoror ou les nouvelles d’Edgar Poe, je n’ai que des bouquins d’art, et pas des plus glorieux. Je me suis intéressé à tout, et c’était peut-être une erreur, je le confesse. L’art moderne et l’art contemporain, autant de charlatans riches à millions, souvent sur argent public, que nous le voulions ou non. Regardez-moi ça, j’ouvre les livres et je vois toutes ces escroqueries sur papier glacé, le bleu de Klein, la pissotière de l’autre, le balai de la Joconde et les boules de Jeff Koons. Maurizio Cattelan passe à peu près, parce qu’au moins il joue cartes sur table : il vend l’espace qu’on lui réserve à des publicitaires, il vole les œuvres d’autres faiseurs, another fucking ready-made. Duchamp, c’était le début de l’apocalypse. Parlez-moi de Botticelli, parlez-moi de Fran Angelico, de Bosch comme l’autre pétasse ou encore de William Blake ! Mais abattez sur-le-champ tous ces subventionnés, tous ces imposteurs dégénérés, ils nous ont sucé le sang jusqu’à la moelle. Et pendant ce temps-là, je crève de faim, moi qui suis dans la divine lignée. Tout artiste est mystique ou n’est pas, c’est comme ça. Plus il y a de calcul, et plus on s’éloigne du sujet. Aucun ordinateur n’a jamais fait de l’art.
C’est un texte au ton insolent, un air de sale gosse, mais c’est drôle, c’est du « feel good » entre deux romans noirs et ça fait vraiment du bien.
Encore une fois, une très bonne surprise.
4ème de couverture :
Artiste-peintre misanthrope, misogyne et libidineux en manque de reconnaissance, Bertrand vit au crochet de son ami Yann, un rond-de-cuir de l’armée qu’il méprise. En proie à des accès de violence, il se découvre des pouvoirs extraordinaires et commet plusieurs meurtres dans sa petite ville de province. Il part en Roumanie à la rencontre d’un mystérieux homme d’affaires qui a acheté l’un de ses tableaux une petite fortune. Il y est rejoint par Yann et découvre que celui-ci l’a drogué pour tester des drogues pour l’armée. Bertrand est devenu un vampire, Yann un loup-garou.
L’auteur :
Romain Ternaux est né en 1987. I am Vampire est son quatrième roman en solo. Son cinquième si l'on compte le roman qu'il a co-écrit avec Johann Zarca : success story. Dans tous ses romans se retrouve le même mélange de bizarre, de trash, de vaudeville et d'humour qui fait la saveur de son écriture.
Editeur : Aux Forges de Vulcain (octobre 2019)
ISBN : 978-2373050455