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EVADEZ-MOI
23 janvier 2020

Nous avons les mains rouges de Jean Meckert

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Les éditions Joëlle Losfeld republient depuis quelques années les romans de Jean Meckert. Romans oubliés ou introuvables, des inédits aussi, c’est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir cet auteur.

Cette année est réédité Nous avons les mains rouges, publié pour la première fois en 1947.

Au sortir de la guerre, le temps est à la guérison. Les villages comptent ceux qui ne reviendront pas et les sentiments de vengeance sont puissants.

C’est une période après-guerre dont on ne parle jamais mais Meckert, avant Sartre, en montre un exemple très précis dans ce roman.

C’est un texte magnifique et très dur qu’il convient absolument de replacer dans son contexte afin de pouvoir le comprendre et l’accepter.

A notre époque, la plupart de ce que nous montre l’auteur nous choquera. C’est pour ça qu’il est essentiel de replacer cette histoire dans son temps.

Souvent un roman interpelle par son écriture ou par son message, ou encore par l’histoire qu’il relate. Ce roman m’a touchée pour les trois raisons.

L’écriture tout d’abord : à la différence d’un roman contemporain qui placerait sa trame dans les années 40, celui-ci a été écrit en 1947. Le parler, comme l’écrit, sont de cette époque et confèrent à ce texte un charme inégalable, offrant un réel voyage dans le passé, l’occasion de vivre pour quelques heures auprès de nos grands-parents alors très jeunes. C’est tout simplement magnifique.

Le message : lorsqu’un armistice est signé, la guerre est-elle vraiment terminée ? Les représailles sont-elles, à défaut d’être légitimes, assorties de circonstances atténuantes ? On a tous entendu parler des femmes tondues à la libération pour avoir été avec des soldats ennemis pendant la guerre. Mais on a peu entendu parler des « collabos » ou de tous ces profiteurs du marché noir. De ceux qui ont préféré tirer profit plutôt que de rejoindre un maquis pour se battre, de ceux qui ont dénoncé sans honte pour pouvoir continuer à bénéficier d’une paix tout relative, de ceux qui ont déserté pour rejoindre la Résistance, de ceux qui ont décidé de donner leur vie pour celle des autres, pour un espoir de liberté, dans un esprit de justice qu’ils ne trouveront pas la guerre finie, c’est de tous ceux-là que nous parle l’auteur. Sans accuser ni prendre parti pour ces maquisards, Jean Meckert plante en Laurent Lavalette un témoin de cet après-guerre, de batailles qu’il n’a pas vécues, de rancœurs qu’il n’a jamais ressenties.

L’histoire : ou plutôt l’Histoire et les tragédies qui l’étayent, celle qui rend les hommes meilleurs ou pire. C’est l’histoire de Laurent et il vous prouvera que personne n’est ni totalement mauvais, ni totalement bon.

C’est une histoire un peu particulière pour moi, petite fille de maquisards puisque mes grands-parents paternels étaient tous deux dans la Résistance. Je n’ai jamais entendu mon grand-père parler de cette époque et ce roman m’a fait comprendre pourquoi. Mais je reste extrêmement fière d’eux et d’avoir en moi un peu d’elle et de lui.

Pour conclure je vous dirai de lire ce magnifique témoignage de notre Histoire mais soyez indulgents avec les personnages, ils le méritent.

 

1er extrait :

-      Combien d’expéditions punitives avez-vous déjà faites ?

-      Plusieurs ! dit la jeune fille. Sans résultat ! Nous vivons vraiment une curieuse époque. Tous les éléments nobles et bons sortent fatigués et écœurés de cette guerre où ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Nous sommes maintenant submergés par la bassesse, la petite combine, l’ambition égoïste. Je vais vous raconter une toute petite histoire, Laurent ; celle du maquis que mon père dirigeait.

-      Il y avait un maquis ici ?

-      Dans la forêt ou bien dans l’Estivaz. Nous avons eu cinq morts strictement locaux. Deux ont été tués par les miliciens au cours d’un guet-apens organisé par des traîtres. Deux ont été tués par les Américains à la suite d’une méprise, dans un combat au crépuscule. Un seul a été tué par les Allemands, dans un coup de main. Je vous dis cela pour mieux vous préciser la vision qui peut nous rester de la guerre, cette guerre absurde des pays occupés, qui a tué nos amis, qui a endeuillé nos familles, qui a rasé nos villes, sans que jamais on puisse prévoir d’où viendrait le coup, sans qu’on sache jamais si la mort nous viendrait de l’ennemi, du traître ou de l’ami. Je vous le demande, Laurent. Peut-on faire pire dans l’horrible ? Et cela n’explique-t-il pas le grand désarroi, voire le dégoût et la haine profonde dans laquelle nous nous débattons maintenant, nous qui n’avons pas profité du cataclysme pour faire fortune sur la misère du monde ?

 

2ème extrait :

[…] Et le 15 novembre 1943, je suis né à la haine ! … J’ai tué un inconnu qui portait un uniforme vert. J’ai tué lâchement, comme on tire un lapin. Et l’homme s’est affaissé sur sa moto. Et la moto a déboulé dans le ravin au milieu des sapins… Je ne sais même plus bien si ce meurtre était utile… Mais c’est alors que j’ai compris que le patriotisme était un mot bien creux. Je m’étais engagé dans la Résistance pour des raisons en forme de paperasse ou des haines de micro. Et j’ai compris alors que rien de tout cela n’autorisait mort d’homme et qu’il me fallait trouver un autre support moral pour continuer à vivre face à ma conscience… Je suis un homme aux mains rouges ! Et les hommes aux mains rouges n’ont plus qu’une voie tracée qui les mène à l’absolution : la haine du mal ! L’engagement à fond, jusqu’au meurtre possible, contre tout ce qui est bas et néfaste !

 

 

4ème de couverture :

Jean Meckert raconte la tragédie des mains rouges, rouges de sang. Dans la montagne, le chef d'un maquis, M. d'Essartaut, ses deux jeunes filles, le pasteur Bertod et quelques camarades continuent, deux ans après la Libération, une épuration qu'ils pensent juste. Ils s'attaquent aux profiteurs, aux trafiquants, aux joueurs du double jeu. Jusqu'à ce que la mort de M. d'Essartaut, survenue au cours d'une expédition punitive, disperse le petit groupe, ces êtres assoiffés de pureté et de justice sont amenés à pratiquer le terrorisme et à commettre des meurtres, tout en se demandant amèrement si le monde contre lequel ils ont combattu n'était pas d'essence plus noble qu'une odieuse démocratie où le mythe de la Liberté ne sert que les puissants, les habiles et les crapules.

 

L’auteur :

Jean Meckert naît à Paris en 1910. Mobilisé en 1939, il est interné en Suisse en 1940 à la suite de la débâcle et y écrit son premier roman, Les coups, que Gallimard accepte immédiatement. Suivront plusieurs autres titres, tous salués par des grands noms de la littérature française tels que Raymond Queneau, André Gide, Roger Martin du Gard, Maurice Nadeau, Jean-Jacques Pauvert... ou plus récemment Manchette et Annie Le Brun. Dès 1950, Marcel Duhamel le fait venir à la Série Noire sous le nom d'Amila où il s'impose comme l'un des meilleurs auteurs de polar français.

 


W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> Joëlle Losfeld - Nous avons les mains rouges - Jean Meckert - Arcanes Feuilletez le livre Jean Meckert Jean Meckert raconte la tragédie des mains rouges, rouges de sang. Dans la montagne, le chef d'un maquis, M.

http://www.joellelosfeld.fr



 

Editeur : Joëlle Losfeld (janvier 2020)

Collection : Arcanes

ISBN : 978-2072870477

 

Je dédie cette chronique à Lucien et Lucienne C, avec tout mon amour.

 

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