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EVADEZ-MOI
14 janvier 2020

Je suis le fleuve de T.E. Grau

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Traduction de l’anglais par Nicolas Richard.

 

Les éditions Sonatine commencent l’année avec un roman étrange et fascinant.

Le style et les décors de ce roman vous donnent l’impression d’une lecture sous amphèts comme si vous plongiez dans un de ces rêves absurdes mais tenaces qui vous hantent toute la journée.

Le soldat Broussard vit à Bangkok depuis la fin de la guerre du Vietnam. Souffrant d’un stress post traumatique il est forcé de rencontrer un psychiatre de l’armée américaine qui semble s’intéresser un peu trop à un événement en particulier. Entre deux trips, deux cauchemars, Broussard va se remémorer ses derniers jours dans cette guerre et va devoir se confronter à ses démons afin de tenter de se libérer.

Ce roman alterne passé et présent mais aussi deux facettes d’un même homme.

Il y a eu le soldat Broussard qui a quitté sa Louisiane pour la jungle vietnamienne. Il est très loin de l’image de héro qu’on rencontre dans la plupart des romans traitant le sujet. Lui, tout ce qu’il veut, c’est survivre sans devoir tuer qui que ce soit. Après avoir fui lors d’une attaque, il sait que s’il retourne aux Etats-Unis, ça sera pour se retrouver face à une cour martiale. Il va être enrôlé par un officier énigmatique, Chapel, pour une mission mystérieuse de l’autre côté de la frontière, au Laos.

Et puis il y a Israël Broussart, une espèce de clodo hantant les rues de Bangkok,  se payant ses doses de « médicament » en jouant les sbires pour une triade. Ce Broussart là est un homme hanté, sombrant dans des délires psychédéliques, paranoïaque, et qui a en lui un profond sentiment de culpabilité.

Avec une écriture tout aussi étrange et hantée, T.E. Grau nous parle de folie, de ce qu’une guerre peut faire d’un homme, des blessures indélébiles sans espoir de rédemption.

C’est un texte troublant et une construction, une atmosphère à nulle autre pareille. Je ne suis pas sûre qu’il plaira à un large public mais pour ma part je l’ai trouvé comme hypnotique et je le garderai longtemps en mémoire.

Si vous êtes curieux(se) comme je le suis et pour aller plus loin dans la compréhension de ce texte, vous trouverez sans problème sur le net la « bande son » en recherchant « opération Wandering souls ». Je vous conseille toutefois de ne le faire qu’après avoir terminé le roman.

Toute cette histoire repose sur des faits réels.

A lire aussi « Opération âme errante » de Richard Powers (Cherche midi, 2019).

 

Un extrait :

C’est peut-être parce que je commence à être mal. De plus en plus mal. Je sens les bestioles sortir de leurs cocons dans mes coudes et mes genoux, prêtes à entamer leur défilé dans mes bras et mes jambes, à grouiller dans le bas du dos, à cracher leur poison dans mon ventre. Je me suis shooté léger avant de partir, pas assez de dope, et je n’en ai pas emporté suffisamment pour le long terme. J’ai juste pris ce que j’avais dans la poche, ce qui m’a obligé à passer en mode rationnement, parce que quelqu’un ou quelque chose avait mis le feu à ma grotte. J’ai regardé l’incendie de la rue, il s’est étendu aux bâtiments contigus, qui ont cramé comme du papelard. Ce qu’ils étaient plus ou moins : des structures fines comme du papier, construites uniquement pour donner l’illusion d’une maison, d’un foyer. Les gens tout autour de moi couraient en hurlant, hurlaient en courant. On aurait dit une danse du napalm, à la grande époque. Courir en hurlant, la tête entre les mains, les yeux écarquillés, bouche grande ouverte. Peut-être est-ce moi qui ai déclenché l’incendie. Possible. Peut-être est-ce le Fleuve. Un défilé de tombeaux, des torches minuscules dans des pattes de chats en céramique. Je n’arrive pas à me souvenir, mes mains sentaient l’essence, mais elles ont toujours l’odeur de quelque chose qui pourrait brûler.

 

 

4ème de couverture :

Depuis la fin de la guerre du Vietnam, Israel Broussard survit tant bien que mal à Bangkok. Cinq ans plus tôt, il a participé à la mystérieuse opération Algernon, au cœur de la jungle laotienne. Ce qui s'est passé là-bas ? Il ne s'en souvient plus, il ne veut plus s'en souvenir.

Et pourtant, l'heure est venue de s'expliquer...

 

 

L’auteur :

En juillet 2015, Lethe Press publie le premier recueil de nouvelles de l’écrivain américain T. E. Grau, The Nameless Dark, en lice pour le prix Shirley Jackson. Après avoir écrit plusieurs autres nouvelles, dont «They Don’t Come Home Anymore » ou encore «The Mission », l'auteur propose en 2018 un premier roman, Je suis le fleuve, qui lui vaut d’être sélectionné pour le prix Bram Stoker. Son travail est publié dans le monde entier, traduit en espagnol, français, italien, allemand et japonais, et figure dans de multiples recueils, magazines, journaux littéraires et plateformes audio.

 

 

Je suis le fleuve | Lisez!

" L'intensité du roman de T. E. Grau nous immerge dans l'enfer des derniers jours de la guerre du Vietnam, dont le flot furieux nous charrie jusqu'à notre propre fin. Je suis le fleuve est un tour de force hallucinant. "

https://www.lisez.com



 

Editeur : Sonatine (janvier 2020)

ISBN : 978-2355847783

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