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EVADEZ-MOI
3 juillet 2019

Les mal-aimés de Jean-Christophe Tixier

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J’ai déjà croisé plusieurs fois Jean-Christophe Tixier sur des salons et festivals de littérature où il était toujours invité en tant qu’auteur jeunesse. Vu de loin (faut dire que j’ai un peu dépassé l’âge de la littérature jeunesse, y compris celle pour les ados), il semblait avoir un joli succès auprès des jeunes lecteurs.

Quand j’ai vu qu’il publiait (enfin) un roman noir chez Albin Michel, je me suis dit que c’était l’occasion de le lire (enfin).

Le moins que l’on puisse dire c’est que j’ai trouvé là un auteur de Noir extrêmement talentueux.

Ce roman a des personnages magnifiques, tout autant que l’histoire qu’il raconte.

Il y a les femmes, Blanche, Jeanne et la Cruere.

Blanche est une jeune fille élevée par son oncle qui abuse d’elle depuis qu’elle est fillette et qui a enfoui bien des secrets en elle.

Jeanne, mariée à Léon, qui ne saurait vivre sans lui et sans Etienne, un jeune garçon qu’ils ont recueilli, malgré ce qu’elle sait mais qu’elle tait.

Et puis il y a la Cruere, une lingère qui recueille des nourrissons orphelins dans l’espoir d’avoir des bras, plus tard, pour l’aider et, accessoirement lui rapporter quelque chose.

Et toutes ces femmes ont un rapport bien particulier et très différent avec l’enfantement et les enfants, ce qui donne encore plus de profondeur à ces personnages qui s’avèrent finalement centraux.

Il y a les hommes, Ernest, l’oncle de Blanche, Alphonse, un vieux célibataire, Léon, l’époux de Jeanne. Mais aussi le médecin, le curé…

Et, par-dessus tout, comme des hologrammes du passé, les enfants. Des gamins qui ont été « condamnés à la correction » et dont beaucoup en sont ressortis pour cause de « décès ».

Parce que sur tous ces bons villageois plane l’ombre du bagne pour enfant, non loin d’une falaise, tout près du village. L’ombre de la prison mais aussi le souvenir de tous ces enfants.

Quand les remords, la honte et les secrets remontent à la surface et se transforment en peur, en superstition, alors les gens perdent la notion de la réalité et tout bascule.

Ce texte est profondément noir et dénonce les biens pensants qui se prennent pour des gens bien et qui pensent que taire n’est pas mentir et que cacher c’est faire disparaître. L’auteur nous démontre le contraire avec une sensibilité, une justesse et un talent d’écriture rares.

Toute cette noirceur est accentuée par de vrais enregistrements d’écrou d’un bagne pour enfant qui était situé dans l’Hérault, à Vailhauquès.

 

J’ai refermé ce roman avec un étrange sentiment, comme si les femmes de ce livre m’avaient transmis leur tristesse, leurs regrets et leur honte.

In fine, ce sont bien les hommes qui parlent le mieux des femmes et Jean-Christophe Tixier excelle dans ce domaine.

 

 

Un extrait :

Les derniers rayons de soleil marbrent le toit du bagne d’un camaïeu de rose. Elle pourrait tirer un rideau, soustraire le bâtiment à son regard pour tenter d’oublier les événements passés, mais à quoi bon ? Même quand elle ne le regarde pas, elle sent sa présence qui écrase tout. Plus oppressant que la falaise, alors que c’est des mêmes pierres qu’ils sont faits. En tendant l’oreille, Blanche peut l’entendre respirer. Son murmure et son haleine ne sont qu’un poison insidieux et destructeur qui les emportera tous. Elle en est certaine.

 

 

4ème de couverture :

1884, aux confins des Cévennes. Une maison d’éducation surveillée ferme ses portes et des adolescents décharnés quittent le lieu sous le regard des paysans qui furent leurs geôliers.

Quand, dix-sept ans plus tard, sur cette terre reculée et oubliée de tous, une succession d’événements étranges se produit, chacun se met d’abord à soupçonner son voisin. On s’accuse mutuellement du troupeau de chèvres décimé par la maladie, des meules de foin en feu, des morts qui bientôt s’égrènent… Jusqu’à cette rumeur, qui se répand comme une traînée de poudre : « ce sont les enfants qui reviennent. » Comme si le bâtiment tant redouté continuait de hanter les mémoires.

 

L’auteur :

Jean–Christophe Tixier est né en 1967. Créateur du salon polar de Pau « Un Aller-Retour dans le Noir », il est également un auteur jeunesse reconnu (une vingtaine de titres salués par la critique). Il vit actuellement entre Pau et Paris.

Les Mal-Aimés est lauréat du Prix Méditerranée Polar du premier roman 2019.

 

 

Les Mal-Aimés - Jean-Christophe Tixier

1884, aux confins des Cévennes. Une maison d'éducation surveillée ferme ses portes et des adolescents décharnés quittent le lieu sous le [...]

https://www.albin-michel.fr



 

Editeur : Albin Michel (février 2019)

ISBN : 978-2226436726

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