L'Autre côté de Léo Henry
Comme le dit le sous-titre du blog, je lis essentiellement de la littérature noire, parfois je m’évade dans la blanche mais quasiment jamais en territoire SFF.
Ce superbe roman est inclassable.
On pourrait dire de la SFF (pour les néophytes comprenez Science-Fiction et Fantaisie) puisque cela se passe dans un pays imaginaire constitué de castes dont le haut de la pyramide est dirigé par des Moines ayant un précieux sérum les rendant éternels et surtout les immunisant contre un virus qui décime les castes inférieures. On ne sait pas non plus situer l’histoire d’un point de vue temporel mais les robots et les drones que l’on voit passer au loin nous laissent penser à un futur, pas forcément très lointain.
On pourrait parler de littérature blanche. L’auteur nous parle d’une famille très unie mais qu’un drame force à fuir leur vie dans ce microcosme coupé du reste du Monde. C’est l’histoire de l’amour d’un père pour sa petite fille et pour sa femme.
L’écriture est belle, épurée et poétique, tout autant que le décor de cette histoire, un décor qui a quelque chose de magique tout en étant, pour les personnages, effrayant.
On pourra également y voir une allégorie de notre société actuelle et on trouvera en Rostam, le père de famille, le symbole de tous ces migrants d’aujourd’hui qui fuient leurs pays dans l’espoir d’une vie meilleure, dans celui, parfois, d’être sauvés d’une mort certaine.
Rostam rejoint le contingent des hommes à tout faire.
Il travaille sept heures par jour, cinq jours sur sept. Mange équilibré, dort correctement, lit beaucoup. Court, sur des machines, une centaine de kilomètres par semaine, et nage deux heures chaque soir, lentement, pour perfectionner son crawl.
Rostam n’a guère le temps de flâner. Il parle peu à ses collègues, presque jamais avec les hommes et femmes retenus, qui arrivent sans cesse et repartent à peine plus tard. Il ne s’attarde pas dans les espaces communs, ne laisse aucune trace de ses calculs, mesures et ruminations. Rostam s’enferme dans son quotidien, seulement tenu en éveil par les rêves d’évasion.
Léo Henry nous offre un conte plein de douleur, d’espoir, de courage, de peine. Un récit d’où transparaissent les différences de classes, le mépris des plus chanceux, la rareté de la main tendue et l’opportunisme du plus grand nombre, sans oublier la différence d’accès aux soins selon que vous ayez de l’argent ou pas.
L’auteur nous dessine à l’encre sympathique le monde dans lequel nous vivons et mets des couleurs dans cette atmosphère somme toute très noire.
Certaines personnes n’ont aucune pitié. Certaines personnes ne voient, dans la vulnérabilité des autres, qu’une façon de renforcer leur propre pourvoir.
Une lecture qui a été pour moi un enchantement.
4ème de couverture :
Une mystérieuse épidémie condamne la ville-état de Kok Tepa à l’isolement et à l’autarcie. Si ses dirigeants, les Moines, reçoivent quotidiennement une livraison de sérum qui les protège de la maladie, les autres castes, elles, sont touchées de plein fouet. Rostam s’accommode de cette organisation. Il ménage sa conscience en exerçant son métier de passeur : il organise la fuite des familles infectées vers l’autre continent, où elles espèrent être soignées. Mais un jour, la fille de Rostam, Türabeg, contracte la terrible infection…
L’auteur :
Né en 1979 à Strasbourg, Léo Henry est l'auteur de nombreux romans (Le Casse du continuum. Cosmique fric-frac, La Panse), de nouvelles (Les trois livres qu'Absalon Nathan n'écrira jamais, Grand Prix de l'Imaginaire 2010), de scénarios de bande dessinée (Sequana).
- Editeur : Rivages (6 février 2019)
- ISBN: 978-2743646165
Un roman sur l'exil et le déracinement à travers le récit poignant d'une famille qui fuit une babylone cauchemardesque. L'amour infini d'un père pour sa fille, prêt à braver tous les obstacles. Une mystérieuse épidémie condamne la ville-état de Kok Tepa à l'isolement et à l'autarcie.
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