Par Les Rafales de Valentine Imhof
D’habitude je vous parle d’une histoire. Pas cette fois-ci. Aujourd’hui on va parler d’un personnage, celui d’Alex. Alex est une jeune femme, sauvage, indépendante, imprévisible. Alex est une meurtrière et les crimes qu’elle perpètre sont particulièrement violents. Et tout au long de ce roman, on va faire connaissance avec Alex, découvrir ce qui l’a amenée à être telle qu’elle est et surtout à agir comme elle le fait.
Parce qu’elle sait que son rêve de vie normale, c’est du bluff, c’est du pipeau, c’est tout bidon. Ils l’ont amochée pour de bon, c’est sans espoir de réparation. Elle est définitivement disjonctée, déménagée, déraillée, chtarbée, déjantée, fêlée, barge, dingue, louf, branque, toquée, tordue, secouée, siphonnée, cinoque, tapée, fondue, timbrée, azimutée, baisée de la tête, complètement jetée, percutée, marteau, ravagée, elle a perdu les pédales, elle a un pète au casque. Et sa rage, sa haine, toute cette colère sulfurique qu’elle nourrit, irriguent alors son corps d’une adrénaline concentrée, et l’aident à tenir son quart, nuit après nuit.
C’est un des personnages les plus travaillés que j’ai pu rencontrer au cours de mes lectures. Elle vous touchera par sa souffrance, par sa peur et ses colères. Victime d’un crime tout aussi atroce que les siens, elle cache ses cicatrices sous des tatouages, des motifs qui sont prétextes à une plongée dans la littérature et la poésie, noyés d’alcool et de la musique plein les oreilles.
Une femme toute écrite, une femme livre, tout droit sortie d’une BD de Bilal, couverte d’un texte dense, calligraphié en lettres minuscules, à la manière d’un manuscrit médiéval, sans ponctuation, ni apostrophe, ni accent, un texte dont on ne peut distinguer ni le début, ni la fin, qui serpente en une ligne têtue sur tout le haut de son corps, sur ses fesses et sur ses cuisses. Un texte qui n’offre aucune prise et sur lequel il se concentre depuis quatre mois maintenant, en essayant d’y trouver une clef qui lui permette de lever certains des mystères de Sacha.
Par les Rafales, c’est un opéra rock qui dépote, un raz de marée d’émotions et de sentiments. Un spectacle qui nous fait découvrir tour à tour la Nouvelle Orléans, la Belgique, les iles Shetland et Metz, sur fond de folie, de violence, de sexe et le lecteur sombre avec Alex, inexorablement.
L’histoire est aussi sombre que son personnage principal. C’est un roman noir qui explore la façon dont une agression peut détruire un être humain, le rendant paranoïaque, violent et dépendant à l’alcool, aux drogues, dans une recherche, finalement, d’autodestruction. Alex vit dans la crainte d’être retrouvée par un de ses agresseurs et cette peur va l’amener à fuir sans cesse et à repousser tous ceux qui pourraient s’attacher à elle.
Quant au style de l’auteur, j’ai beaucoup aimé cette écrite abrupte mais aussi changeante au gré des passages. Ainsi Valentine Imhof prête aux actions d’Alex un style violent, musclé avec un rythme rapide. Mais quand elle nous parle des différents endroits où Alex se rend, des gens qu’elle croise, l’écriture se fait plus posée, presque poétique. Le texte est à l’image du personnage principal : aux multiples facettes. L’auteur n’hésite pas à écorcher son personnage, dans le fond et dans la forme, disséminant des portions du tatouage d’Alex au fil des chapitres.
C’est un roman noir de grande qualité où l’humain prend le pas sur l’histoire. Une magnifique tranche de vie.
4ème de couverture :
Ils avaient réussi à la retrouver. Alex l'avait compris. Le type inventait des souvenirs bidon, il a proposé de s’arrêter dans un café de campagne pour boire un pot. Pour le plaisir d’être en France, parce que c’est si différent des États-Unis… Ça, elle le savait. Quand il a enserré ses jambes entre les siennes, elle n’a rien fait pour se dégager. Au contraire. Elle a envoyé tous les signaux pour lui faire entendre qu’elle n’attendait que ça depuis le début… Elle le tenait… Elle saurait disparaître ensuite. C’est du moins ce qu’elle pensait. Mais on laisse toujours quelque chose derrière soi. Et au moment où Alex s’apprête à tuer un homme, pour la troisième fois, Kelly MacLeish, jeune sergent juste sortie de l’école de police et mutée aux Shetland, décide de changer complètement d’angle dans l’enquête sur le meurtre de Richard MacGowan le soir du Up Helly Aa, la fête des Vikings, lorsque tout le monde se rassemble pour la crémation du drakkar. Le seul indice retrouvé sur le cadavre, c’est un long cheveu noir. Alors sans le savoir, Kelly rejoint le camp des poursuivants. Ceux qui courent après Alex, ceux qu’elle fuit, toujours plus vite, toujours plus au nord.
Dans un premier roman incandescent, gorgé d’alcool, de rock et de poésie, Valentine Imhof nous emporte sur les pas d’une héroïne qui s’est placée sous la protection de Loki, le dieu destructeur de la mythologie nordique. Comme lui, elle a dû boire le venin qui confère la rage. Comme lui, elle nourrit des vengeances, des apocalypses et des rêves de fin du monde. Et les quatre runes de son nom sont tatouées sur sa nuque.
L’auteur :
Née à Nancy en 1970, Valentine Imhof a vécu et travaillé pendant deux ans aux Etats-Unis avant de s’établir à Saint-Pierre-et-Miquelon. Par les rafales est son premier roman, après une biographie de Henry Miller publiée en 2017.
Ils avaient réussi à la retrouver. Alex l'avait compris. Le type inventait des souvenirs bidon, il a proposé de s'arrêter dans un café de campagne pour boire un pot. Pour le plaisir d'être en France, parce que c'est si différent des États-Unis... Ça, elle le savait.
http://www.lerouergue.com
Editeur : Editions du Rouergue (7 mars 2018)
Collection : Rouergue noir
Prix : 20 €
ISBN: 978-2812615191