Chiens des Ozarks - Eli Cranor - Sonatine
Traduction d'Emmanuelle Heurtebize.
Sonatine Janvier 2025
Jusqu'où sommes-nous capables d'aller pour protéger ceux que nous aimons ?
Telle est la phrase d'accroche pour ce "rural noir" à la sauce américaine. Un nouvel auteur chez Sonatine qui va sans aucun doute faire parler de lui tant sa plus me rappelle un autre des auteurs de la maison : David Joy. Comme son compatriote, Eli Cranor nous montre cette Amérique rurale écorchée vive dans laquelle des groupuscules identitaires sévissent et terrorisent encore. L'Arkansas fait partie de ces Etats dont les habitants, parfois, survivent plus qu'ils ne vivent dans de petites villes d'où il est difficile de s'échapper.
Eli Cranor nous présente Taggard, une bourgade pauvre dans laquelle les trafics de drogues, la prostitution, représentent les futurs débouchés pour une jeunesse abandonnée. C'est là que Jeremiah a élevé du mieux qu'il pouvait sa petite fille Joanna, abandonnée sur le pas de sa porte par la propre mère de la fillette alors que Jake, le père de ce bébé et fils de Jeremiah, purge une peine de perpétuité pour un meurtre commis 18 ans plus tôt dans la casse automobile familiale.
Dix-huit ans plus tard, la famille de la victime, les Ledford, décident de mener enfin la vengeance qu'ils estiment mériter, au risque de semer les cadavres et de révéler des secrets que l'on croyait bien enfouis.
Chaque page de ce magnifique roman suinte le sang, la haine, les regrets. Chaque page amène le lecteur au plus près de ce grand-père prêt à tout pour sauver sa petite fille. Mais les dernières pages, elles, réservent quelques surprises de taille pour un dénouement qu'on n'attendait certainement pas.
En dehors de cette écriture acérée, c'est aussi ce talent de surprendre les lecteurs qui fait de ce roman un parmi les meilleurs du genre de ces dernières années. C'est un tableau sans concession de ces zones qu'on dirait oubliées d'un pays qui se veut "la plus grande puissance mondiale". Ces romans qui montrent la pauvreté grandissante, l'obscurantisme, les conflits sociaux, sont comme le négatif de la photo pleine de paillettes que veulent montrer les politiciens de tous bords, de l'autre côté de l'Océan mais pas seulement.
Eli Cranor nous donne l'impression de lire un polar très sombre, noirci à l'extrême, alors qu'il n'en est rien puisque l'auteur admet lui-même avoir été inspiré par un fait divers réellement arrivé dans sa ville natale.
Le texte fait mouche et happe les lecteurs dès la première page et le rend vraiment très difficile à lâcher. Des chapitres courts, de l'action à revendre, c'est sans contestation possible un départ de haut niveau pour cette nouvelle année chez Sonatine.
Résumé éditeur :
Taggard, Arkansas. Chômage et récession frappent durement cette petite ville des monts Ozarks. C’est là que vit Jeremiah Fitzjurls, un vétéran du Vietnam, en compagnie de sa petite-fille, Joanna, qu’il élève seul au milieu de sa casse automobile. Pour protéger celle-ci d’un monde extérieur de plus en plus hostile, Jeremiah lui a transmis tout son savoir, en particulier sur le maniement des armes et l’autodéfense. Mais aucune ressource n’est suffisante quand les Ledford, une famille de suprémacistes blancs de la région, dealers de meth, décident de s’en prendre à la jeune fille. Jeremiah comprend alors que plus rien n’arrêtera la violence, sinon peut-être la violence.