La pouponnière d'Himmler - Caroline De Mulder - Gallimard
Voici un roman dont le résumé laissait déjà à supposer que le texte serait assez dense.
Je connaissais déjà Caroline de Mulder dont j’ai lu Manger Bambi en 2021. J’avais trouvé alors que l’autrice savait adapter son style à son personnage principal avec brio.
Dans La pouponnière d’Himmler il en est de même puisque le style se fait sobre pour parler de ces sortes de fabriques de nazis dans lesquelles Himmler enfermait des épouses, des maitresses de « bons aryens » afin qu’elles procréent et mettent au monde des futurs soldats du Reich, parfaits selon les critères SS faisant alors office de standard pour la race la plus pure. L’armée allemande a subi de lourdes pertes, il faut reconstituer les rangs, sans compter le vœu d’un fou de « purifier » le sang aryen car « la religion du Reich, c’est le sang pur ».
Le roman commence alors que la guerre n’est plus très loin de s’achever, en 1944. 1944 c’est l’année peut-être la plus terrible : exécutions, début de l’épuration, tonte et humiliation des femmes ayant «été avec l’ennemi ». Renée est une très jeune fille, française, qui a eu le tort de tomber amoureuse d’un beau soldat allemand dont elle porte l’enfant. Lui est reparti au combat, elle est tondue, trainée dans une charrette pour être exhibée tel un monstre dans les rues de la ville. Elle s’enfuit et finit par arriver, munie d’une lettre de son amoureux, à la porte d’une pouponnière, en Bavière. Elle va alors raconter son séjour, sa grossesse au milieu de toutes ces femmes, de tous ces nouveau-nés, et les infirmières.
Parmi ces dernières, Helga, fervente admiratrice d’Himmler mais aussi une femme sensible à la détresse de certaines mamans quand leur enfant leur est enlevé car jugé impur du fait d’un problème de santé, entre autres. Helga tient un journal et découvre, petit à petit, le but ultime de ces pouponnières.
Et puis il y a Marek. Lui est un prisonnier, anicien déporté à Dachau, qui a rejoint le Service du Travail Obligatoire et dont l’une des tâches est de construire des extensions à cette maison où il n’a le droit d’en croiser aucune, une maison dont il ne s’approche que pour glaner quelques épluchures à manger.
Comme je le disais, le style est sobre, sans jamais sombre dans le glauque ni le pathos. C’est narré comme un récit, factuel, sans jugement envers Renée ou Helga. Bien sûr, il y a des passages plus durs que d’autres mais l’ensemble est merveilleusement bien écrit et les personnages sont (presque) tous d’une humanité qu’on a du mal à croire encore d’actualité de nos jours, avec leurs défauts, leur crédulité, leur ignorance aussi toute comme leur cruauté, leurs bassesses, leurs peurs, leur désespoir.
C’est vraiment un bijou de ce mois de mars à découvrir chez Gallimard dans sa collection Blanche.
Résumé éditeur :
Heim Hochland, en Bavière, 1944. Dans la première maternité nazie, les rumeurs de la guerre arrivent à peine ; tout est fait pour offrir aux nouveau-nés de l'ordre SS et à leurs mères "de sang pur" un cadre harmonieux. La jeune Renée, une Française abandonnée des siens après s'être éprise d'un soldat allemand, trouve là un refuge dans l'attente d'une naissance non désirée. Helga, infirmière modèle chargée de veiller sur les femmes enceintes et les nourrissons, voit défiler des pensionnaires aux destins parfois tragiques et des enfants évincés lorsqu'ils ne correspondent pas aux critères exigés : face à cette cruauté, ses certitudes quelquefois vacillent. Alors que les Alliés se rapprochent, l'organisation bien réglée des foyers Lebensborn se détraque, et l'abri devient piège. Que deviendront-ils lorsque les soldats américains arriveront jusqu'à eux ? Et quel choix leur restera-t-il ? Reconstituant dans sa réalité historique ce gynécée inquiétant, ce roman propose une immersion dans un des Lebensborn patronnés par Himmler, visant à développer la race aryenne et à fabriquer les futurs seigneurs de guerre. Une plongée saisissante dans l'Allemagne nazie envisagée du point de vue des femmes.